Derrière la violence des gangs haïtiens, des armes de contrebande venues des Etats-Unis

Par 16/03/2024 - 09:15

La surproduction d'armes aux Etats-Unis inonde la Caraïbe et notamment Haïti où les gangs sont friands des modèles les plus puissants.

    Derrière la violence des gangs haïtiens, des armes de contrebande venues des Etats-Unis

A peine quelques semaines avant le début des nouvelles violences en Haïti, le "roi" autoproclamé d'un gang haïtien plaidait coupable devant un tribunal américain d'avoir importé illégalement des fusils d'assaut AK47 et une mitrailleuse lourde dans le pays pauvre des Caraïbes.

"Le département de la Justice utilisera tous les outils à sa disposition pour demander des comptes à ceux qui font passer en contrebande des armes d'origine américaine et d'autres marchandises soumises à contrôle au profit d'acteurs malveillants", a tonné le parquet au moment du procès, fin janvier.

Mais la vingtaine d'armes pour lesquelles Joly Germine, 31 ans, a plaidé coupable ne représente qu'une goutte d'eau dans le trafic.

Haïti est de longue date inondée par les armes importées en contrebande, les Etats-Unis se taillant la part du lion s'agissant de leur provenance, d'après les spécialistes. Il est difficile d'établir leur nombre exact, mais les experts estiment que seule une proportion minime des centaines de milliers d'armes en circulation en Haïti a été acquise légalement.

"La principale source d'armes à feu et de munitions en Haïti se trouve aux Etats-Unis et particulièrement en Floride", déclarent les auteurs d'un rapport de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime publié en 2023.

Les armes, achetées légalement dans les Etats les moins regardants sur les conditions de vente sont acheminées en Haïti en étant "cachées dans des biens de consommation, équipements électroniques, doublures de vêtements, aliments congelés ou même coques de cargos", selon la même source. 

Demande d'armes puissantes

Haïti ne produit ni armes ni munitions et ses lois restreignent les possibilités d'en détenir légalement.

Mais ces lois, de même que les restrictions prévues par l'ONU pour limiter l'importation d'armes en Haïti sont insuffisantes face aux contrebandiers américains et aux bandes armées haïtiennes.

"Les gangs haïtiens se procureraient-ils des armes si elles n'étaient pas disponibles aux Etats-Unis? Probablement", dit à l'AFP Matt Schroeder, du cabinet d'études Small Arms Survey. "Est-ce que ça serait aussi facile? Probablement pas".

Le chef de bande Jimmy Chérizier, dit "Barbecue", dont les attaques ont contribué à l'annonce de la démission du Premier ministre contesté Ariel Henry, a été photographié par l'AFP avec des armes qui semblent être des fusils d'assaut de conception israélienne Galil et des fusils M16 ou de type AR, semblables aux armes utilisées par l'armée américaine, selon des experts qui ont examiné les images.

On ignore si l'homme, qui est un ancien policier, a mis la main sur ces armes légalement ou non. Le rapport de l'ONU relève cependant que "les fusils les plus puissants comme les AK47, AR15 et Galil sont généralement plus prisés des gangs".

"Les taux de saisie montrent que le pourcentage d'armes illégales en circulation (en Haïti) et qui sont des fusils d'assaut est bien plus élevé que dans le reste des Caraïbes", poursuit Matt Schroeder.

"Cela reflète en partie la demande des usagers en bout de chaîne" qui veulent des armes puissantes, ajoute-t-il, tout en soulignant que les quantités d'armes tout comme leur provenance sont difficiles à établir du fait de la nature même de ce commerce.

L'affaire Joly Germine constitue, avec sa vingtaine d'armes importées, l'une des plus importantes connues. Souvent, la contrebande est l'affaire d'individus qui se font un peu d'argent en glissant une seule arme dans une cargaison destinée à Haïti.

Face à ces gangs lourdement armés et aux forces de l'ordre dépassées, les habitants de Port-au-Prince ont érigé des barricades pour se protéger des bandes armées.

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