[AUDIO] Haïti : la violence pousse les habitants de Martissant à fuir leurs foyers

Par 01/07/2021 - 14:45

En Haïti, pas moins de quinze personnes ont été tuées par balle avant-hier dans la capitale haïtienne. Mais c’est surtout la situation de Martissant qui inquiète : un bidonville de Port-au-Prince où s'affrontent quotidiennement des bandes armées, poussant les habitants à fuir. 

    [AUDIO] Haïti : la violence pousse les habitants de Martissant à fuir leurs foyers

Quinze personnes tuées par balle dans une fusillade

Quinze personnes ont été tuées par balle, dont un journaliste et une militante politique d'opposition, dans la nuit de mardi à mercredi dans la capitale haïtienne. Le directeur de la policé a expliqué que cette opération correspondait à des  représailles commises par des sympathisants d'un policier syndicaliste tué quelques heures plus tôt. 

Les photos des corps sans vie du journaliste Diego Charles, au sol, et d'Antoinette Duclair, activiste féministe et militante pour le parti d'opposition "Matrice Libération", au volant de sa voiture, circulaient sur les réseaux sociaux haïtiens dès les premières heures du matin. Les deux victimes étaient âgées de 33 ans.

"En réaction à l'assassinat de Guerby Geffrard (le policier tué), ses alliés ont concocté la fusillade de ce matin qui a entraîné la mort de 15 paisibles citoyens. Parmi les personnes assassinées, on retrouve le journaliste Diego Charles de la radio Vision 2000 et Madame Antoinette Duclair", a affirmé le directeur, Léon Charles, lors d'un point presse, sans fournir de détails pour étayer sa déclaration. Tué quelques heures plus tôt dans le quartier de Port-au Prince où s'est déroulé la fusillade nocturne, Guerby Geffrard était le porte-parole du syndicat de police SPNH-17, en conflit ouvert avec l'administration centrale des forces policières.

Le directeur général de la police nationale d'Haïti a indiqué qu'une enquête avait été ouverte "pour retracer tous les auteurs et co-auteurs des crimes commis". Les accusations portées par Léon Charles ont suscité des critiques émanant de journalistes et d'organisations de la société civile, qui doutent de leur véracité. 

Suite à l'assassinat de leur collègue, les professionnels des médias en Haïti ne se font pas d'illusions. "Comme toujours on va avoir les autorités judiciaires qui vont annoncer des enquêtes qui ne vont jamais aboutir. Nous sommes habitués à ça", a réagi Jacques Desrosiers, secrétaire général de l'association des journalistes haïtiens. Emblématique, le cas de l'assassinat, en avril 2000, du plus célèbre journaliste haïtien de l'époque, Jean Dominique, n'a toujours pas été résolu. "Il n’y a pas eu de justice pour Jean Dominique comme il n'y aura pas de justice pour Diego. Nous sommes livrés à nous-mêmes", a réagi Assad Volcy, président de Gazette Haïti, média en ligne pour lequel Diego Charles, reporter pour la radio Vision 2000, collaborait depuis 2 ans.

Le photojournaliste Vladjimir Legagneur n'est lui jamais revenu d'un reportage qu'il était allé faire, en mars 2018, dans le quartier de Martissant aujourd'hui théâtre d'affrontements entre gangs. La police n'a toujours pas publié les résultats d'un test ADN qui aurait été réalisé quelques jours après sa disparition sur les restes d'un corps. Les enquêtes sur les meurtres de deux journalistes, assassinés en juin et octobre 2019, n'ont pas non plus abouti à ce jour.

"Banalisation de la vie"

Cette fusillade intervient alors que la mainmise des gangs sur Haïti s'est aggravée depuis le début de l'année. Depuis juin, des affrontements entre bandes armées dans l'ouest de la capitale ont poussé des milliers d'habitants des quartiers pauvres à fuir leur logement. 

Et c’est surtout la situation de Martissant, un bidonville de Port-au-Prince, qui inquiète en Haïti. Des bandes armées baptisées Ti Machette, Ti Bois ou Grand Ravine s'y affrontent quotidiennement : presque 200 hommes qui sèment la terreur et qui vivent de la profitable industrie du kidnapping. Ce climat de violence a poussé les habitants du bidonville à fuir, quitte à s’entasser dans des centres de réfugiés. 

"Nous sommes dans une situation de négation des droits humains, de banalisation de la vie. (...) Nous ne pouvons pas continuer comme ça à compter des cadavres chaque jour" a dénoncé Marie-Rosy Auguste Ducena, du Réseau national de défense des droits humains.

Ganddey Milorme est officier des urgences à l’UNICEF en Haïti. Il témoigne au micro de Jean-Marc Pulvar :

Tags