La Soufrière est-elle un objet de droit public ?
C'est le thème d'un débat qui s'est tenu hier à Basse-Terre. Les intervenants se sont penchés sur la gestion en droit d'une catastrophe naturelle telle qu'une éruption et ses conséquences.
Le volcan de la Soufrière était au coeur d'un débat juridico-scientifique ce vendredi matin à l'auditorium Jérôme Cléry de Basse-Terre.
A l'initiative du Tribunal Administratif de la Guadeloupe, dans le cadre de la Journée Nationale de "la Nuit du Droit" qui se déroule pour la troisième fois en Guadeloupe, une conférence-débat ayant pour thème : "La Soufrière : un sujet de droit public ?" réunissait juristes, scientifiques, élus et techniciens.
Trois heures d'échanges au cours desquelles ont été notamment évoqué les coûts d'une éruption volcanique, les conséquences juridiques, les préjudices qu'un tel évènement coûterait en plus de la tragédie humaine qu'il pourrait engendrer.
Serge Goues , le président du tribunal administratif de la Guadeloupe, a assuré que l'état saurait répondre juridiquement à une telle catastrophe.
L'addition risque d'être lourde et le droit permet justement de prévenir. Le volcan sommeille, on prévient. Le volcan se réveille, on agit. On agit très vite. Et comme l'ont dit, notamment les deux magistrats du tribunal administratif, on sait faire. Il y a la théorie des circonstances exceptionnelles. On peut être beaucoup plus souple, que ce soit au niveau du législateur que du juge, évidemment, qui est sur place et qui ne quitterait pas les lieux
La justice administrative avait d'ailleurs été saisie après l'éruption de 1976.
Déjà en 1976, il y a quand même eu un arrêt du Conseil d'État, certes en 1983, sur la contestation liée à l'évacuation de la Basse-Terre. On a aussi, près de nous, des événements en Nouvelle-Calédonie, dans d'autres territoires d'outre-mer, où on a vu très rapidement qu'on pouvait faire face. Bien sûr, il y aurait des problèmes de circulation et autres, mais vous l'avez vu lors de l'intervention des magistrates, jour après jour, tout est déjà prévu, en réalité.
La juridiction pourrait être amenée à se prononcer aussi dans le cas d'une phase de reconstruction :
C'est pour ça que les hôpitaux se mettraient dans la situation où 24 heures sur 24, on pourrait même rappeler les médecins à la retraite, etc, ou les infirmières. On a aussi évidemment sur les biens, sur les maisons. On a parlé d'éventuelles reconstructions, avec un droit à la reconstruction sur le lieu-même des dégâts de la catastrophe. Il y a quand même tout un arsenal juridique derrière les sciences qui permettent non pas de rassurer la population, mais de se dire: L'État de droit continuerait à vivre
Un enjeu financier
Présent hier à l'auditorium lors de cette séquence le Directeur de l'Observatoire Volcanologique et sismologique de Guadeloupe, Yvan Vlastelic a apporté son éclairage :
Les aspects juridiques sont incontournables, puisque effectivement, en cas d'évacuation, va se poser un très grand nombre de questions sur les aspects financiers liés aux pertes des maisons, des habitations, des infrastructures, les destructions des biens. Donc, juridiquement, qui rembourse ces choses-là ? Est-ce que les catastrophes naturelles peuvent intervenir pour rembourser les habitants de leurs maisons, de leurs voitures, de leurs biens ? Ça, ce sont des questions qui se posent.
L'évaluation financière du risque repose notamment sur les compagnies d'assurance. Si le coût d'un séisme majeur est bien documenté en revanche, les scientifiques n'ont pas accès aux données concernant le risque volcanique
Je sais que, par exemple, pour vous donner un parallèle sur ce qui nous impacte ici beaucoup en Guadeloupe, c'est donc la sismicité. Les assureurs font des études de coûts sur un séisme. Ils savent combien un séisme coûte. Pourquoi ? Parce qu'ils ont les informations sur les sommes déclarées par les propriétaires dans leur maison. Ils savent une secousse en fonction de sa magnitude, quel type de dégât elle va provoquer. Ils peuvent générer une évaluation des coûts en fonction d'un séisme. Sur une éruption volcanique, on n'a pas ce travail, mais la question se pose: combien coûte une éruption volcanique ? Je pense que ça a été effectué. Par contre, on n'a pas les données