Coûts d'extension de l'aéroport de Martinique : la Chambre Régionale des Comptes pointe des dérives
Manque de transparence, de vigilance et dérives importantes des coûts du chantier de l’extension de l’aéroport Martinique Aimé Césaire : voici quelques-uns des qualificatifs employés par la Chambre Régionale des Comptes dans un rapport exhaustif publié sur l’activité de la Samac entre 2017 et 2022.
C’est un rapport de 91 pages qui a été remis il y a quelques semaines par la Chambre Régionale des Comptes Antilles-Guyane. L’institution a passé au crible le fonctionnement de la Société Aéroportuaire Martinique Aimé-Césaire (Samac) entre les années 2017 et 2022.
Six ans durant lesquels l’aéroport s’est lancé dans le titanesque chantier d’agrandissement de l’aérogare. C’est aussi une période marquée par la crise sanitaire du Covid-19.
Des travaux d’agrandissement nécessaires mais compliqués
L’aéroport appartient à la catégorie des petites et moyennes entreprises (PME), avec des effectifs évoluant autour de 140 salariés.
Propriété de l'État, son exploitation est gérée par la société aéroportuaire Martinique Aimé Césaire. L'État reste l'actionnaire majoritaire aux côtés de la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Martinique (CCIM) et des collectivités locales.
Les limites de la capacité d’accueil de la structure aéroportuaire ont été atteintes dès 1995, selon ce qu’il ressort du rapport. En 2019, la structure a ainsi accueilli 1,98 millions de passagers, soit un chiffre d’affaires de 53,84 millions d’euros.
C’est dans ce contexte que le chantier d’agrandissement est engagé, pour un budget de 123,8 millions d’euros, subventionné à 30%.
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Mais, alors qu’il est lancé en 2018, le chantier de l'aérogare a dû être interrompu dès 2019 avec la défaillance du mandataire chargé des travaux, puis relancé en pleine crise sanitaire.
La CRC pointe alors des faiblesses : « aucun plan d’affaires n’a jamais été établi pour s’assurer de la rentabilité de l’investissement sur le long terme ».
Fonctionnement et rémunérations pointés du doigt
Dans ce contexte économique difficile, le fonctionnement et surtout la rémunération du directoire de la Samac sont pointées du doigt dans ce rapport. La Chambre Régionale des Comptes livre un exemple concret.
À partir du 11 juillet 2022, le directeur général adjoint, administratif et financier, a pu cumuler une prime exceptionnelle mensuelle pour la conduite du projet d’extension de l’aéroport. Mais aussi une revalorisation de la part variable de son salaire, également sur des objectifs liés au bon déroulement des travaux d’extension et de leur financement.
Or, les procès-verbaux des conseils de surveillance ne mentionnent à aucun moment l’existence de cette prime exceptionnelle.
Pourtant, sur la même période sont débattues les modalités de calcul des parts variables du directoire pour les années 2021 et 2022.
Une situation financière à consolider
Malgré le retour d’un bon niveau de trafic en 2022 qui a permis de renouer avec les bénéfices, la situation financière reste à consolider pour faire face au triplement des dettes, soutient la CRC. Car le montant des dépenses a littéralement explosé.
La nouvelle aérogare, livrée avec plus de 3 ans de retard, est citée en exemple. Elle aura couté 110 millions d’euros, soit un dépassement de 79 %. Une hausse des coûts qui a forcé la Samac à déprioriser et déprogrammer d'autres travaux envisagés sur les pistes d’atterrissage.
Dans son rapport, la Cour formule six recommandations, notamment sur les procédures de son conseil de surveillance, de la commande publique ou encore d'encadrement des pouvoirs bancaires des membres de son directoire...
Elle encourage la Samac à poursuivre le renforcement de ses outils de pilotage pour maîtriser sa trajectoire financière à long terme.
Le rapport complet à lire ci-dessous :