La conférence sur le foncier entrouvre la perspective d'un changement de la loi
La crispation autour du foncier en Martinique fait l'objet d'une conférence qui se déclinera en une session de travail sur 6 mois. Les protagonistes envisagent déjà un changement législatif.
“Un sujet capital pour nous, mais surtout pour les générations futures de Martiniquais et de Martiniquaises. La première Conférence de concertation locale élargie du foncier en Martinique s’est tenue vendredi après-midi en préfecture.
Il s’agissait là pour l’Etat et la Collectivité d’une prise de contact avec des notaires, des géomètres, et des associations. Ils étaient réunis pour entamer un travail à long terme qui devra tenir compte de toutes les spécificités historiques, sociales et sociétales de notre territoire.
Les questions du titrement, de l’indivision et du processus d’acquisition du droit de propriété doivent être abordés pour déboucher sur des propositions concrètes.
Pour Serge Letchimy, président du Conseil Exécutif de la CTM, il est important à terme de légiférer :
Je pense qu'on est partis pour des dizaines de conflits très lourds sur le plan foncier et avec les inégalités que nous connaissons et la pression spéculative qui arrive. Pour nous, c'était essentiel de faire cette conférence élargie aux associations, à tout le monde. Maintenant, quelles sont les suites ? Pour moi, c'est la chose la plus importante. C'est pour ça que j'ai exigé de l'État que deux experts soient nommés du Conseil d'État parce que nous n'avons pas le pouvoir normatif, c'est-à-dire réglementaire, législatif. Donc, il faut absolument que l'État ouvre une possibilité de discussion pour légiférer, réglementer. Je prends deux ou trois exemples. Compte tenu de la fragilité des titres de propriété, de la situation des familles, etc, parce que le cadastre s'est installé à Martinique depuis 71, est-ce qu'il ne faut pas un statut foncier particulier pour la Martinique ? Lorsque vous avez les agriculteurs qui sortent diplômés sans terre, est-ce qu'il ne faut pas une réforme foncière ? La question des terres en friche, aujourd'hui, qu'est-ce qu'on fait ? Vous voyez, ces problèmes-là sont extrêmement importants. Donc, c'est tout cela qu'on va débattre dans des ateliers et remonter au niveau Sénat et Assemblée pour légiférer
Durant les mois à venir, quatre ateliers seront organisés pour formuler des pistes d’actions concrètes. Ces ateliers s’intitulent : l’état des lieux et la cartographie du foncier en Martinique, du statut d’occupant sans titre au statut de propriétaire en Martinique, l’indivision en Martinique, sortir du tabou de la succession : prévoir et organiser la transmission de son patrimoine.
Jean-Christophe Bouvier, préfet de la Martinique, développe l'objectif de cette conférence :
C'était une prise de contact, une présentation de la problématique et surtout d'ouvrir la possibilité à chacun des participants de s'inscrire sur l'un des quatre ateliers qui, maintenant, va travailler au fond. On ne peut pas régler un problème aussi complexe que celui du foncier en Martinique, quand on voit l'historique qu'il y a et les blessures qu'il suscite en une après-midi. Ça aurait été présomptueux et un mensonge que de l'affirmer. Donc, on présente la problématique et maintenant, nous proposons à chacun de travailler dans des ateliers, de prendre le temps d'aller au fond, de faire des propositions sans tabou sur tout ce qui peut améliorer la situation. Une fois que nous aurons identifié ces solutions, elles seront triées entre ce qui peut relever de la responsabilité des acteurs locaux, ce qui relève de la responsabilité du pouvoir législatif, ce qui relève de la responsabilité du pouvoir réglementaire, c'est-à-dire du gouvernement
Johnny Hajjar, député de la Martinique, salue l’initiative. Il s'engage en tant que parlementaire à faire parvenir jusqu’à l’assemblée les solutions législatives et réglementaires :
C'est une démarche très noble et très importante, à la fois politiquement et surtout humainement, pour la Martinique, parce que la question foncière est au centre aujourd'hui des débats. Ce qui est intéressant, c'est que tout le monde peut s'exprimer. On est vraiment dans la démocratie et dans la concertation. Il y aura des étapes intermédiaires, justement, ouvertes aux structures associatives qui accompagnent, aux structures citoyennes. Il y aura vraiment un programme de travail qui permettra d'avoir la vision globale pour nous permettre d'aboutir concrètement, parce que c'est ça qui est fondamental. L'idée n'est pas de se réunir pour se réunir, c'est concrètement se dire : on va atteindre un objectif dans six mois avec des propositions de modification d'ordre législatif, puisqu'on voit bien que tout ce qui est aujourd'hui pointé du doigt sont des problématiques de cet ordre. C'est pour ça qu'en tant que parlementaire, je compte véritablement m'engager avec beaucoup de détermination pour être le plus juste, le plus équitable possible, pour que les règles puissent s'adapter à la réalité et pas l'inverse
Les conclusions des ateliers seront présentées d’ici la fin 2024, début 2025, et portées ensuite aux niveaux des autorités réglementaires et législatives.