Violences sexuelles et conjugales : « beaucoup de femmes essaient de retirer leurs plaintes »
L’enquête de l’Institut des Politiques Publiques qui révèle un nombre très conséquent de plaintes classées sans suite fait réagir les associations et professionnels du droit en Martinique.
Le constat est accablant mais les chiffres de l’Institut des Politiques Publiques, que nous avons publiés hier, l’attestent : alors que le nombre de violences sexuelles et conjugales dénoncées n'a jamais été aussi important en France, l'écrasante majorité des plaintes reste, aujourd’hui, classée sans suite.
Entre 2012 et 2021, 86% des plaintes pour violences sexuelles et 72% pour violences conjugales, n’ont donné lieu à aucune poursuite.
Raisons évoquées dans la plupart des cas : le défaut de preuves et le fait que ces violences soient, selon les magistrats, « insuffisamment caractérisées ».
L’association féministe « Culture Égalité » rappelle que les taux de violences en Martinique sont supérieurs à ceux de l’Hexagone. Selon elle, la parole se libère mais reste timide pour les violences conjugales avec un le taux de dépôt de plainte qui resterait inférieur en Martinique. Il y a davantage de violence tue au sein des couples.
« Un manque de moyens »
En Martinique, 8 plaintes sur 10 sont classées sans suite.
Pour Frédérique Thimon, la coordinatrice de l’association Culture Égalité, le manque de preuves est l’une des explications, mais aussi le manque de budget et d’effectif.
Sur les chiffres nationaux, nous sommes sur environ 244 000 plaintes déposées. Les chiffres des victimes qui osent sortir du silence doublent mais, en face, il n’y a pas de doublement d’effectifs d’enquêteurs, de juges. Donc, mathématiquement, il y a moins de moyens qu’avant. C’est normal que la prise en charge soit détériorée. On sait que pour mettre fin aux violences sexuelles et sexistes, il nous faut un budget de 5 milliards d’euros. Nous en sommes très loin
La question de l'ADN et des éléments matériels
Selon l'avocate Catherine Carderot, les causes de classement sans suites peuvent être atténuées en adoptant certains réflexes.
Une femme qui vient d’être violée a souvent le réflexe de se laver, de se frotter à n’en plus finir alors que normalement il faudrait tout garder, les vêtements souillés, et faire un examen immédiat pour que l’ADN puisse être comparé avec l’ADN de celui qu’elles vont décrire comme leur agresseur. Donc, parfois, on a des plaintes où il n’y a plus d’éléments matériels. Sans parler des plaintes qui se font 10 ou 15 ans plus tard. On sait que la mémoire traumatique réapparait des années plus tard. Évidemment, il n’y a plus de preuves matérielles. Ce que je peux dire aux victimes, c’est de prendre des conseils partout : aller voir un médecin, une association, des avocats pour conserver un maximum de choses
Retraits de plaintes ert minimisation des faits
Outre la réalité des classements sans suite, Me Carderot relève surtout des « retraits de plaintes des femmes victimes ».
C’est souvent un problème. Elles sont sous emprise. Il y a les coups, le certificat médical, l’auteur reconnaît avoir frappé et puis, plus rien. Soit elles écrivent à la police en disant « je veux retirer ma plainte » mais ça ne peut pas se faire, l'enquête se poursuit quand même ». Soit, devant le tribunal, elles minimisent l’acte, à la limite être en défense de leur bourreau. Je suis hallucinée de voir le nombre de femmes qui veulent pas se constituer parties civiles à l’audience, ne rien demander pour elles alors qu’on un certificat médical et qui disent « mais non, il est gentil normalement, je ne veux pas qu’il aille en prison, etc…