Enquête : comment les armes à feu envahissent les Antilles françaises
Le constat est sans appel en Guadeloupe et en Martinique, les agressions par arme à feu se multiplient sur nos territoires, avec de nombreux blessés par balles et de nombreux homicides. Se pose la question de la circulation des armes à feu jusqu'aux Antilles. Une enquête RCI.
« La Guadeloupe occupe la deuxième place à l'échelle nationale en termes d'homicides avec armes et la troisième place pour les vols à main armée ». Voilà ce qu'a rappelé le procureur général de Guadeloupe, Eric Maurel, lors d'un point presse en février dernier, sur les chiffres annuels de la délinquance. En précisant également qu'en 2023, sur les 36 homicides commis, 18 ont été perpétrés avec une arme à feu.
Le 20 mars dernier, après plusieurs agressions survenues en quelques jours à Pointe-à-Pitre, les autorités l'avaient encore rappelé : la Guadeloupe est confrontée à une flambée de violence.
En Martinique, les autorités ont enregistré l'an passé 25 homicides, dont deux-tiers commis avec une arme à feu. Cette année encore, les autoités comptabilisent déjà, à fin mai, 9 homicides, dont 5 par balles.
Comment sont-elles acheminées jusqu'aux Antilles ?
Si les armes arrivent jusqu'en Guadeloupe et en Martinique, c'est notamment parce que géographiquement parlant, l'île est située à proximité des États-Unis, pays où les armes circulent beaucoup plus facilement.
C'est ce que confirme Jean-Pierre Frédéric, Directeur Territorial Adjoint de la Police Nationale de Guadeloupe (*).
La vérité c'est que la permissivité de la circulation des armes aux États-Unis, plus de 500 millions d'armes dans le pays, a des conséquences directes chez nous. [...] Ces armes proviennent pour la plupart du marché américain. Elles arrivent par la Dominique ou par Sainte-Lucie pour la Martinique. [...] Il y a également la filière des armes fantômes, c'est-à-dire des armes démontées qui arrivent via la Poste, pour ensuite être assemblées
Un commerce avec les Etats-Unis
Il y a donc un véritable commerce entre les États-Unis et les Petites Antilles. Il s'agit en effet d'un trafic d'armes étroitement lié au trafic de drogue avec bien sûr des conséquences sur la délinquance ou encore la criminalité. Un sujet qui a d'ailleurs été évoqué lors des Assises de la Sécurité à Fort-de-France l'année dernière.
Le Général William Vaquette, commandant de la gendarmerie en Martinique (*), place le trafic d'armes dans un environnement régional plus global.
Le commerce inter-îles existe bien au départ d'Amérique. Les armes sont vendues par les États-Unis. Vous avez le Venezuela qui s'est un peu effondré d'un point de vue économique et politique. [...] Il faut regarder la Martinique de près pour voir loin. Quand on regarde l'ensemble de la criminalité de la délinquance, on se classe dans les 30 départements français où il y a de la délinquance. [...] Le point commun de tout ça, ce sont les armes.
Comment circulent ces armes à feu ?
Ni la Guadeloupe, ni la Martinique ne fabriquent d'arme à feu à proprement parler. Il est possible, en revanche, d'en acheter. C'est le cas à Jarry où l'on peut trouver à titre d'exemple, des armes de catégorie C destinées à la chasse ou encore des armes de catégorie D pour la défense à domicile (défense personnelle).
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Pour ce qui des armes de chasse, il est impératif d'avoir une licence valide de l'année en cours ou un permis de chasse validé de l'année en cours. Les armes de défense, elles, ne peuvent être vendues qu'à des personnes majeures.
Rappelons qu'un arrêté préfectoral a été publié l'année dernière pour interdire la vente de ces armes à feu, dites armes de défense.
Quelles solutions pour endiguer le phénomène ?
Selon Eric Maurel, procureur général de Guadeloupe (*), le sujet est pris très au sérieux.
C'est un vrai sujet. Il s'agit de frapper à la base. Nous avons d'ailleurs un travail international à ce sujet. Les services de police et de gendarmerie mais aussi la justice se rapprochent des états voisins, de la Dominique, de la République Dominicaine, de Porto-Rico pour trouver des solutions. Nous ne sommes pas isolés dans cette mer des Caraïbes
(*) Les interviews avec le Directeur de la police, le Général de Gendarmerie et le procureur général de Guadeloupe ont été réalisés il y a plusieurs mois.
À ÉCOUTER L'enquête de Laura Latchan