Les Ultramarins parmi ceux qui se sentent les plus discriminés en France
Pour la première fois, l'Observatoire des Inégalités publie un rapport complet sur les discriminations en France, qui apporte des preuves chiffrées de ces phénomènes, qu'ils soient basés sur la couleur de peau, l'origine, la sexualité, le handicap, l'orientation sexuelle, le genre et l'appartenance syndicale. Selon ce document, les Ultramarins se sentent très concernés.
Au global, ce rapport très détaillé et fourni, réalisé par l'Observatoire des Inégalités et dévoilé ce mardi 28 novembre, pointe une évolution de la société française vers davantage de tolérance, mais dans le détail, cela s'accompagne d'un paradoxe, avec l'augmentation de certains actes violents, notamment de racisme.
Un ressenti fort pour les originaires d'Outre-Mer
Il reste toutefois difficile d'avoir un état des lieux précis de la situation, les statistiques ethniques étant interdites en France, mais l'Observatoire a rassemblé plusieurs travaux afin de “rendre visible l'invisible”. Concernant nos territoires, cela s'exprime notamment par le ressenti. Les Ultramarins, natifs ou d'origine, sont plus de deux fois plus nombreux à déclarer des discriminations que les personnes sans ascendance migratoire, et un tiers d'entre-eux dit avoir déjà été confronté à ce phénomène (32% pour les natifs, 33% pour les descendants de natifs). En moyenne, les immigrés ou descendants d'immigrés ont été moins nombreux à déclarer ce sentiment (26% et 28%), même si les populations d'origine maghrébine et africaine se sentent davantage concernés.
Par ailleurs, sur la perception, près d'un Français sur deux estime que l'origine ou la couleur de peau provoque souvent ou très souvent des stigmatisations, avec principalement la recherche d'un logement, les contrôles de police et l'accès à l'emploi parmi les situations les plus fréquentes. Ce motif ethnique étant d'ailleurs la troisième discrimination la plus fréquemment citée par des témoins d'actes, avec 47% des répondants, derrière l'apparence physique et le sexe.
Entre tolérance globale et violence ciblée
La bonne nouvelle, c'est que cela aurait tendance à s'estomper au fil des années. Le taux de Français qui croient à une supériorité d'une race sur l'autre a été divisé par trois en vingt ans (5% en 2022 contre 14% au début des années 2000), par ailleurs, le nombre de personnes se déclarant “pas du tout raciste” s'est stabilisé pour la première fois au-dessus de 60% sur les cinq dernières années.
Mais dans le même temps, et c'est tout le paradoxe, les actes violents racistes sont de plus en plus nombreux. Après une baisse jusqu'en 2017, ils ont augmenté de 40% en 5 ans, et les crimes et délits de près de 30% sur la même période.
L'Observatoire s'intéresse aux discriminations au sens large, et note par exemple une sous-représentation persistante des profils de la diversité à la télévision, avec à l'écran 15% de personnes perçues comme non-blanches, chiffre qui n'évolue pas depuis 2014.
Similarité pour le sexisme et les discriminations sexuelles
Sur l'égalité hommes femmes, si là aussi la tendance est plutôt positive, avec un recul global du sexisme, des injustices demeurent, singulièrement au niveau des salaires et des responsabilités, notamment dans la sphère politique. Le nombre de députées et sénatrices à tendance à plafonner entre 30 et 40%.
Par ailleurs, comme pour les actes racistes, les faits de violence envers les femmes sont en hausse sur ces dernières années, même si cela est aussi dû à une libération nécessaire de la parole.
On peut d'ailleurs exposer le même paradoxe concernant les discriminations liées aux orientations sexuelles, si la tolérance a globalement progressé en 20 ans, les crimes et délits anti-LGBT ont été multipliés par 2,3 depuis 2016.
Dans l'avant-propos de ce document, Anne Brunner, directrice des études, et Louis Maurin, directeur de l'Observatoire des Inégalités pointent d'ailleurs la nécessité d'informer sur ces tendances dans un contexte qui devient anxiogène. "Un discours que l’on pensait ne jamais réentendre en France se réveille. Le peuple grogne contre les élites, elles lui livrent des boucs émissaires choisis parmi ceux qui ont le moins de moyens de se défendre. La xénophobie a pignon sur rue. Elle est présente sur les plateaux d’une chaine de télévision nationale d’extrême droite. [...] Certains élus, la presse, et des réseaux sociaux relaient sans honte des propos indignes, cherchent à discréditer les défenseurs de l'égalité, jusqu’à s’en prendre au Défenseur des droits. [...] Ce mouvement réactionnaire dispose de moyens financiers importants : une bataille est en cours", alertent ces derniers.
Handicap et syndicalisme
Le rapport traite aussi du handicap et note que cela constitue souvent un obstacle supplémentaire dans les parcours, personnel ou professionnel. Pour ces publics, le taux de pauvreté est proche des 20%, nettement plus élevé que celui des personnes valides, qui est de l'ordre de 12,8%. Cela va souvent de pair avec une insertion professionnelle plus difficile par ailleurs.
Enfin, l'Observatoire des Inégalités se penche sur les discriminations syndicales, en notant par exemple qu'un délégué du privé a en moyenne un salaire inférieur de 4% à un autre salarié et qu'il a 10% de chances en moins d'être promu.