Le fléau du travail dissimulé au tribunal de Fort-de-France : « le salarié voit ses droits bafoués »

Par 12/09/2023 - 14:00

Le tribunal correctionnel devait juger hier (lundi 11 septembre) deux dossiers de travail dissimulé. Soit pas moins de 16 personnes et 8 entreprises citées à comparaître sur l’ensemble des deux dossiers. Retour sur une problématique qui touche la Martinique mais aussi l’ensemble du territoire national.

    Le fléau du travail dissimulé au tribunal de Fort-de-France : « le salarié voit ses droits bafoués »
Audience de travail dissimulé au tribunal judiciaire de Fort-de-France

Des dossiers de travail dissimulé, le tribunal correctionnel de Fort-de-France en traite régulièrement. Ce lundi matin, deux affaires devaient être jugées mais seule une a été retenue.

À la barre : deux frères, associés d’une SARL fabricant de meubles à Sainte-Marie. C’est un contrôle des services de l’État qui a dévoilé le pot aux roses : entre 2015 et 2017, pas moins de sept salariés ont été employés sans être déclarés avec, dans certains cas, des conditions de travail ou d’hébergement indignes.

La Caisse Générale de Sécurité Sociale (CGSS) et l’un des salariés se sont constituées parties civiles

Les réquisitions sont sévères : la confiscation d’une somme équivalente à la hauteur du préjudice, soit 245 598 euros, une peine de 12 mois de prison avec sursis pour le principal prévenu ainsi qu’une amende de 150 000 euros dont une partie assortie de sursis…

La décision a été mise en délibéré au 2 octobre prochain.

Tribunal de Fort-de-France

Maître Laurie Chantalou-Nordé, avocate des deux prévenus jugés hier, réagit à cette affaire et, plus globalement, à la problématique du « travail au noir ».

Peut-être s’agissait-il d’une audience à thème donc le tribunal était saisi de procédures de même nature. Mais, dans un premier temps, encore faudrait-il caractériser l’existence de ce travail dissimulé, comme dans le dossier jugé aujourd’hui. Nul n’ignore qu’ici, comme ailleurs, c’est une chose qui existe. Malheureusement parce que, parfois, la procédure pour l’emploi de travailleurs étrangers est extrêmement difficile, notamment pour avoir des visas. Donc certains employeurs peuvent peut-être perdre patience et se disent « on peut commencer et on régularise plus tard ». Parfois, cela vient des salariés eux-mêmes ou des personnes qui souhaitent travailler et ne pas être déclarés. Ce n’est pas une excuse mais c’est un fait qu’il faut constater 

14 prévenus dans le second dossier

Le second dossier a, pour sa part, été renvoyé au 15 avril. Pas moins de 14 prévenus étaient cités : 7 personnes et 7 entreprises.

Parmi les victimes de la partie civile : le conseil national des activités privées de sécurité Délégation Territoriale Antilles Guyane, le Pôle Emploi Martinique, mais aussi l’Urssaf Martinique.

Maître Georges-Emmanuel Germany, Bâtonnier, qui intervenait dans le premier dossier, rappelle la situation pénalisante pour un salarié non déclaré, considéré comme « une victime ».

Il voit tous ses droits sociaux bafoués. Il ne peut pas tomber malade, pas avoir d’accident parce qu’il n’est pas couvert. Il n’aura pas de retraites et, en cela, c’est vraiment une situation très difficile à vivre du côté des salariés. Maintenant, je peux entendre que, du côté des employeurs, la situation soit difficile. Et, l’état du droit ne permet pas toujours d’avoir recours à telle ou telle personne quand c’est une personne de nationalité étrangère alors, peut-être, faudra-il que le droit évolue, que nous ayons des « lois péyi » et la faculté de fluidifier les relations du travail. Mais, en tout cas, aujourd’hui, nous sommes en l’état d’une situation où il faut respecter la loi 

INFOS +

Quels sont les risques encourus ?

L’entrepreneur est tenu de déclarer à l'Urssaf tout travail effectué par lui-même ou par un ou plusieurs salariés. S’il ne le fait pas, il s’expose à des poursuites pénales.

Un délit de travail illégal est passible de 3 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende (225 000 euros s'il s'agit d'une société). Il peut monter à 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende (375 000 pour une société) s’il concerne un mineur ou une personne vulnérable et 10 ans de prison et 100 000 euros d'amende (500 000 euros pour une société) s’il est commis en bande organisée.

Des peines complémentaires peuvent être prononcées (interdiction d’exercer, exclusion des marchés publics, confiscation d’objets issus du délit…).


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