[DOSSIER] « Balance ton porc Martinique » : l'avocate des victimes et celui du tatoueur réagissent
Les témoignages dévoilés ce week-end (19 et 20 août) par le compte Instagram « Balance ton porc Martinique » ont eu l'effet d'une véritable bombe au sein de l'équipe du salon de tatouage Royal Tattoo, situé en plein cœur de Fort-de-France.
Portes closes depuis plusieurs jours au salon « Royal Tattoo », au centre-ville de Fort de France. La mise en cause du gérant sur les réseaux sociaux, accusé d'agressions sexuelles par plusieurs de ses clientes (plus de cinquante à ce jour selon la page instagram Balance Ton Porc Martinique), a porté un coup d'arrêt brutal à l'activité.
Pour Jade, l'une des deux collaboratrices de l'enseigne, c'est l'incompréhension.
Cela faisait trois ans que je travaillais à Royal Tattoo. J'ai commencé en tant qu'apprentie. On se voyait régulièrement et le problème avec cette histoire, c'est qu'à aucun moment, nous nous sommes doutées de quoi que ce soit. Pour le coup, nous étions simplement sur les horaires de travail. On ne savait pas ce qui pouvait se passer éventuellement après qu'on soit parties. Il n'y avait pas vraiment de fermeture officielle, le dernier client qui était au shop fermait avec les tatoueurs
Face à la crudité des témoignages à l'encontre de son ancien patron, la jeune femme accuse le coup.
Il y a du dégoût, de la peur aussi, parce que je me suis dit, mais ça veut dire que j'étais là, j'étais dans les lieux où il a pu se passer des choses complètement horribles
Jade a donné sa démission, de même que son autre collègue spécialiste en piercing, les deux cherchent aujourd'hui une solution pour rebondir.
Qui serait restée, en fait, au final ? On est des femmes toutes les deux, donc forcément, on comprend. On a aussi des clientes auxquelles on doit penser. Cela nous pose des difficultés avec la recherche d'un nouveau local qui est précipitée. C'est de l'argent. In est auto-entrepreneurs donc, qui dit pas de travail, dit pas de fonds? C'est très compliqué ces temps-ci. On va dire qu’on a beaucoup, beaucoup de choses à gérer.
Le tatoueur incriminé est resté injoignable pour le moment.
A ECOUTER Le reportage de Luann Pinceau et de Naïda Lebos
LES AVOCATS RÉAGISSENT
. Tifany de la Poix de Fréminville, avocate au Barreau de Fort-de-France, contactée par plusieurs victimes
« Les femmes osent sortir du silence mais ce n’est pas facile »
« J’ai été contactée par plusieurs victimes qui souhaitent déposer plainte. Il y en a plus d’une dizaine pour le moment. Elles souhaitent sortir du silence. Ce n’est pas facile pour ces femmes, certaines ont peur mais elles souhaitent mettre des mots sur ce qui s’est passé ».
L’avocate, invitée en direct du journal de 7h de RCI ce jeudi 24 août, assure être en train de rédiger la plainte, de rassembler les plaignantes pour la transmettre au parquet et que l’action publique puisse être mise en œuvre et que les forces de l’ordre « fassent leur travail ».
Selon elle, il y aurait des faits plus anciens et d’autres plus récents.
« L’idée, c’est d’avoir un effet de masse, avec une multitude de plaintes concernant une même personnes et qui dénoncent toutes la même chose. D’un point de vue juridique, au départ, ce sont des dénonciations sur un réseau social mais, maintenant, nous allons vraiment être dans du concret avec de vraies personnes physiques qui vont donner leur identité et raconter ce qui s’est passé.
Je pense, aujourd’hui, plus que la méthode utilisée, il faut se concentrer sur les victimes. Très peu de femmes osent porter plainte. Elles voient leur agresseur continuer. Là, l’important, c’est qu’elles arrivent à parler. Les faits dénoncés concernent une très longue période. Pour moi, c’est très très alarmant ».
. Philippe Sénart, avocat du tatoueur mis en cause
« L’honneur d’une personne mis purement et simplement à bas sur la place publique »
« Enfin, on va rentrer dans un processus, qui est beaucoup plus classique et prévu par la loi, du fait qu’il y aurait des plaintes qui seraient déposées.
Je vous avoue qu’il y a aussi beaucoup de personnes qui sont choquées de voir que l’honneur d’une personne est mis purement et simplement à bas sur la place publique.
Je rappelle qu’il s’agit de citoyens comme tous les citoyens qui sont présumés innocents tant qu’ils n’ont pas été déclarés coupables par la justice.
Derrière, je vois qu’il y aurait eu des injonctions faites au préfet, à la justice pour que la justice soit mise en œuvre au motif qu’elle ne ferait pas son travail.
Je rappelle qu’il y a plus d’une trentaine d’années que les personnes accusées d’agressions sexuelles se trouvent quasiment en position de faiblesse par rapport à leur accusateur puisqu’on leur demande « mais si ce n’est pas vrai, pourquoi elle le dirait ? ».
Et, puis, on a des condamnations infligées, comme ça, sans que les personnes n’aient la possibilité d’apporter la preuve contraire aux accusations qui leur sont faites »
CE QUE DIT LA LOI
Les infractions sexuelles commises sur un majeur
Le crime de viol commis sur un majeur se prescrit par 20 ans à compter du jour où l’infraction a été commise (article 7 alinéa 1er du Code de Procédure Pénale). Le viol est puni de 30 ans de réclusion criminelle.
Le délit d’agression sexuelle (autre que le viol) commis sur un majeur se prescrit par 6 ans à compter du jour de l’infraction (article 8 alinéa 1erdu Code de Procédure Pénale). Il est punit jusqu'à 10 ans de prison.