Carême en Guadeloupe : entre religion, quimbois et autres croyances occultes
Les pratiques magico-religieuses toujours prégnantes dans notre société ne semblent pas faire relâche durant le temps liturgique du carême. Bien au contraire. De quoi faire réfléchir.
« Ce carême sera dur, lourd et éprouvant ». C’est le père Jonas, curé de la paroisse du Gosier dont l’église a été la cible d’un vandale déséquilibré en début de semaine qui l’affirmait devant ses fidèles, lors de l’office du 18 février dernier, qui marquait le premier dimanche de ce temps de pénitence de 40 jours chez les catholiques. Il ne croyait pas si bien dire. 48 heures après, l’église de la commune était vandalisée par un homme de 43 ans, déséquilibré et affirmant avoir agi pour le compte du démon. L’individu, interné depuis à l’hôpital psychiatrique de Montéran à Saintt-Claude, avait aussi saccagé plusieurs sépultures du cimetière jouxtant le lieu de culte.
Pourquoi vouloir faire un lien avec le magico-religieux, puisque l’homme en question était en pleine de crise de démence ? S’interrogeront les plus cartésiens. Tandis que d’autres, plus sensibles à ces questions, y verront, sans doute, l’œuvre d’un individu, dont l’esprit dérangé à la base, aurait pu être possédé. Notre culture est quoi qu’on dise, baignée dans cette dualité, alimentée par toutes formes d’interprétations au gré des croyances. Et la découverte d’un vieux cercueil – certes vide, mais tout de même - vendredi soir, déposé – ou abandonné - devant une case du quartier de Carénage, à Pointe-à-Pitre, rajoute à ce contexte mystique et questionne encore plus, s’il en était besoin, le rapport des guadeloupéens (mais l’on pourrait en dire autant de ressortissants haïtiens qui vivent en Guadeloupe) à ces pratiques occultes.
Période propice aux rituels magiques ou maléfiques ?
Il n’est pas rare, plus encore durant cette période, disent les anciens, que l’actualité se fasse l’écho de drames sanglants, de morts violentes, d’accidents graves parfois inexpliqués et autres faits divers tragiques. Tandis que parallèlement, l’on découvre au petit matin, dans de nombreux carrefours, quatre-chemins, sens giratoires, mais aussi sur certaines plages et cimetières, des éléments matériels disposés à la suite de rituels réalisés pour obtenir des choses, se protéger de mauvais sorts et dans certains cas, invoquer le démon. Généralement, là encore selon les aînés, des poules noires sacrifiées, pattes attachées, sont utilisées à ces fins maléfiques, avant d’être déposées dans des croisements de routes. Et visiblement, pas de trêve de carême pour ces pratiques. Certains avis laissent à penser que ce temps de prière et de recueillement annule toute Sorcellerie. D’autres à contrario sont convaincus que durant ces 40 jours, les effets de ces rituels sont accélérés, accentués, voire décuplés. Ce sont là, les croyances véhiculées.
Une contradiction locale bien ancrée
La seule vérité réside dans le fait que les guadeloupéens, et plus généralement les antillais, croient à la fois à l’existence de Dieu et à celle du démon. Aussi, sont-ils tentés de s’en remettre alternativement aux énergies positives et négatives, suivant les épreuves qu’ils traversent, leurs aspirations et désirs. La résultante d’un brassage culturel d’influences, africaines, amérindiennes, européennes et indiennes. Il est connu enfin que le contexte religieux de notre archipel, se caractérise par une grande tolérance des guadeloupéens et leur goût certain pour les religions et croyances – de toutes sortes. Avec en toile de fond, ces « Puissances Invisibles » incarnées par le magico-religieux. Les mêmes qui fréquentent gadèd-zafè en dépit des réprobations du clergé, vont parallèlement, à la messe à l'église.