L'usage de nos plantes médicinales nous échappe-t-il vraiment ?

Par 15/09/2022 - 20:34 • Mis à jour le 16/09/2022 - 12:55

Une vidéo très partagée sur les réseaux sociaux fustige le passage de nos plantes dans la pharmacopée française. Une reconnaissance à double tranchant qui interdit en effet au tout-venant de les exploiter pour leurs vertus thérapeutiques.

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Infusion de fleurs d'atoumo (Alpinia zerumbet) et de grosse menthe

La vente d’atoumo, de brisée ou de gros thym comme médicament est autorisée seulement en pharmacies. En dehors de ce circuit, la répression des fraudes peut intervenir. Si l’usage est strictement alimentaire toutefois, une autre réglementation s’applique.

La pharmacopée traditionnelle martiniquaise compte environ 1 200 plantes. En 2009, dans le cadre du montage de la micro filière agro-médicinale, 15 plantes martiniquaises ont été sélectionnées pour être inscrites dans la pharmacopée française. Chaque département d'Outre-mer (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion) en avait ainsi proposé une quinzaine.

Le Pôle Agroressources et de Recherche de Martinique (PARM) a été l’opérateur technique de cette opération, l’objectif étant de pouvoir vendre cette pharmacopée locale sur le marché européen.

Emmanuel Nossin, pharmacien et ethno-pharmacologue, nous explique comment la vente des plantes médicinales navigue entre tradition et réglementation :

On ne peut pas empêcher la tradition. Le sirop d'atoumo, j'ai connu ça quand j'étais gamin, c'est pas un problème. Mais l'usage médical implique que vous donniez une indication. À partir du moment où vous le marquez, ou même le dites oralement, c'est de l'exercice illégal de la médecine.

Difficile néanmoins de ne pas admettre que cette réglementation de l’usage médical d’une pharmacopée traditionnelle provoque un choc culturel.

Le problème va toujours se poser pour nous, parce que nous sommes un pays neuf. 300 ans d'histoire, notre pharmacopée vient de naître. En face, nous avons un système qui nous régit et vient de traditions plus anciennes. On est déjà au chimique en France, on utilise presque plus la plante qui est industrialisée, présentée en gélules, poudre, cachets ... Nous avons une autre tradition de l'usage de la plante, et c'est un problème presque politique. Il faudrait donc peut-être voir si en Outre-mer, on ne devrait pas trouver une façon d'aménager la loi.

L’inscription des plantes dans la pharmacopée française est un levier de valorisation pour ces dernières et la reconnaissance de leur usage. L’objectif  était de proposer des plantes avec un fort potentiel de valorisation sur plusieurs marchés, dans le but notamment de pouvoir vendre cette pharmacopée locale sur le marché européen.

Le monopole pharmaceutique s’applique pour les médicaments à base de plantes. Tout comme pour les compléments alimentaires ou les aliments.

Ce qui peut poser soucis, comme l’explique. Katia Rochefort, directrice du PARM :

Nous sommes sur un marché différent. Le monopole pharmaceutique pose soucis puisque ces plantes ne peuvent pas être valorisées sur le marché alimentaire. Le monopole pharmaceutique est adossé à l'inscription à la pharmacopée.

Il existe néanmoins une possibilité de se défaire de cette contrainte. Celle d’entamer une démarche de reconnaissance de la plante comme aliment. C'est ce que préconise la direction de la répression des fraudes dans le document divulgué par une internaute.

Pour valoriser ces plantes inscrites ou pas, il s'agit de faire reconnaître ces plantes par l'Europe. L'enjeu est de prouver que ces plantes dans leur usage alimentaire n'amène pas de danger à la santé de la population qui en consommerait. Il y a des études de toxicité complète à mener et des études en lien avec les usages historiques de ces plantes. C'est pour cela que le PARM a posé un projet FEDER pour entreprendre les études pour faire reconnaître des extraits de brisée et d'atoumo en tant que nouvel aliment au sens de la réglementation européenne

Pour consulter la liste des plantes médicinales des DOM inscrites à la pharmacopée française : http://www.ethnopharmacologia.org/wp-content/uploads/2020/04/Plantes-DOM-2020.pdf


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