Chlordécone : le tribunal administratif condamne l’État pour "négligences fautives" mais rejette l'indemnisation des plaignants

Par 27/06/2022 - 13:19

Pour rappel, plus de 90 % de la population adulte en Guadeloupe et en Martinique est contaminée par le chlordécone, selon Santé publique France.

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Photo d'illustration

La responsabilité de l’État timidement engagée

Le tribunal administratif de Paris a condamné l’État pour des "négligences fautives" dans le dossier du chlordécone, utilisé comme pesticide dans les Antilles, mais a rejeté les demandes d'indemnisation des plaignants pour préjudice d'anxiété, dans une décision rendue vendredi dernier, 24 juin, mais obtenue aujourd'hui, lundi 27 juin, par l'AFP. 

Les services de l’État ont commis des négligences fautives en permettant la vente d'une même spécialité antiparasitaire contenant 5 % de chlordécone, sous divers noms, et en autorisant la poursuite des ventes au-delà des délais légalement prévus en cas de retrait de l'homologation.

Le chlordécone, un pesticide interdit en France en 1990, mais qui a continué à être autorisé dans les champs de bananes de Martinique et de Guadeloupe par dérogation ministérielle jusqu'en 1993, a provoqué une pollution importante et durable des deux îles.

Cependant, le tribunal administratif a estimé qu'"à l'exception de leur présence en Martinique ou en Guadeloupe pendant au moins douze mois depuis 1973, les requérants ne font état d'aucun élément personnel et circonstancié permettant de justifier le préjudice d'anxiété dont ils se prévalent".

En conséquence, "les conclusions indemnitaires présentées par les requérants doivent être rejetées", indique encore le jugement.

De plus, le tribunal administratif ajoute que "les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’État aurait tardé dans la mise en place de mesures de protection des populations ou que les informations diffusées auraient été contradictoires".

Un jugement décevant, mais autorisant l'espoir

Car pour Maître Christophe Lèguevaques, qui représente les 1 240 requérants, cette décision est toutefois une avancée décisive.

Cela peut servir dans le dossier pénal du chlordécone. Alors que jusqu'à présent, on avait en face de nous des industriels ou des distributeurs de ce produit qui disaient "je n'ai fait que distribuer un produit autorisé, donc vous ne pouvez rien contre moi." Là, on a un tribunal qui nous dit que les autorisations des années 70 étaient illégales et donc sont susceptibles d'entraîner la responsabilité de l'État, mais qu'elles peuvent aussi remettre en cause la responsabilité des distributeurs.

D'autres procédures sont actuellement en cours concernant l'utilisation de chlordécone aux Antilles, dont une plainte pour empoisonnement déposée il y a seize ans. Cependant, les deux juges d'instruction du pôle Santé publique du tribunal judiciaire de Paris ont annoncé le 25 mars aux collectivités et associations plaignantes leur intention de clore ce dossier sans prononcer de mise en examen, l'orientant ainsi vers un possible non-lieu.

Une perspective à l'origine de nombreuses protestations aux Antilles. La dernière en date a pris, ce matin, lundi 27 juin, la forme d'une obstruction de l'entrée du Palais de justice de Fort-de-France avec des bananiers et autres sargasses.

Me Lèguevaques compte faire appel pour obtenir la reconnaissance du préjudice d'anxiété à l'image de ce qu'ont obtenu les victimes de l'amiante.


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