Vigilance jaune à la Pelée : "il n'y a aucun signe précurseur d'une éruption"
Depuis ce vendredi (4 décembre 2020), la surveillance autour de la Montagne Pelée s'est accrue. Le niveau de vigilance jaune a été activé. Cependant, le risque d'éruption n'est absolument pas à l'ordre du jour.
Opération transparence autour de la situation de la Montagne Pelée. Depuis novembre 2019, l'activité sismique est en augmentation sous le volcan.
"On a détecté une réactivation de la Montagne Pelée. C'est normal. Par contre, on a absolument aucun signe précurseur d'une éruption mais elle pourrait se produire à l'échelle de quelques années ou peut-être moins. Elle a plus de chance d'arriver avec un volcan qui est en réactivation", prévient Marc Chaussidon, directeur de l’Institut de Physique du Globe de Paris.
"De 1985 à 1986, il y a eu une crise sismique et un certain type de séisme a été enregistré. Aujourd'hui, on retrouve dans nos enregistrements, ce type d'oscillation. C'est donc un phénomène qu'on a déjà pu observer en 1976 et en 1986", explique Fabrice Fontaine, le directeur de l'observatoire volcanologique et sismologique.
À cette époque, une dizaine de séismes de ce genre avait été constatés contre 94 en avril 2020.
"Ce qu'on remarque c'est que ça augmente depuis avril 2019 au delà d'un niveau de base établi sur plus de 20 ans de données. Et ça augmente encore plus depuis novembre 2019", ajoute le directeur de l'OVSM. "C'est un premier signe de changement au niveau de la Montagne Pelée".
La source des séismes constatés depuis près d'un an serait plus profonde que lors des précédentes crises sismiques selon les relevés des capteurs disposés sur l'édifice volcanique. D'après les scientifiques, l'origine de ces secousses non ressenties en surface serait située à 13 kilomètres sous le niveau de la mer.
De possibles migrations de gaz
"Le 8 et le 9 novembre 2020, ce sont des signaux sismiques difficiles à observer qui ont été enregistrés. Ils sont issus de la migration de gaz au sein du conduit volcanique du système hydrothermal",
Les scientifiques travaillent sur l'hypothèse de l'influence des fortes précipitations de novembre sur ces mouvements de gaz. "Cela signifie en tout cas que le système hydrothermal de la montagne est actif", précise Philippe Fontaine.
L'augmentation de la sismicité pourrait avoir plusieurs origines. Elle pourrait être liée à l'augmentation de la sismicité dans la région par rapport au mouvement des plaques tectoniques ou à l'arrivée en profondeur de fluide magmatique ou encore à la modification du système hydrothermal.
"Après l'observation de ces trois types de signaux, nous avons consulté un groupe d'experts, plus d'une vingtaine. À l'unanimité, ils recommandent le passage au niveau d'alerte jaune, ce qui correspond à une nécessité de vigilance", précise le directeur de l'observatoire du Morne des Cadets.
Des reconnaissances aériennes seront donc mises en place là où des fumerolles ont été observées par le passé. Des drones mais aussi des études de terrain seront déployés. Par ailleurs des images satellitaires seront consultées pour observer de possibles déformations de la Pelée. "Notre réseau de capteurs GPS n'enregistre pas à l'heure actuelle de déformation", rassure le scientifique.
Une antenne sismique sera également déployée sur le terrain pour mieux identifier la source des mouvements sismiques. "Ce volcan va être scruté comme il ne l'a jamais été", vante Fabrice Fontaine qui a longtemps exercé sur l'île de La Réunion.
Une alerte pour les scientifiques
"On est capable de réduire les incertitudes mais si un évènement géologique doit se produire on ne pourra pas l'empêcher", rappelle Marc Chaussidon.
Il s'agit néanmoins de réduire la vulnérabilité. La Pelée a une histoire qui est bien ancrée dans la mémoire collective malgré son ancienneté dans le temps.
Depuis la colonisation de la Martinique par les Européens, deux types d'éruption ont été observées sur la Pelée : phréatique en janvier 1792 et en 1851 et magmatique de 1902 à 1905 et de 1929 à 1932. Des éruptions qui ont été précédées par une intensification des fumerolles.
"Il n'y a pas de signes précurseurs de l'éruption. Cela rappelle que la Pelée est un volcan vivant. Nous allons renforcer sa surveillance. Cette alerte jaune n'est pas une alerte pour la population mais pour les scientifiques", a commenté Stanislas Cazelles, le préfet de la Martinique.
"Notre maître-mot est la transparence. Il y aura des réunions publiques dans les 8 communes concernées par la Montagne Pelée (Saint-Pierre, Précheur, Carbet, Morne-Rouge, Ajoupa-Bouillon, Basse-Pointe, Grand Rivière et Macouba)", ajouté le préfet.
Pour rappel, la Soufrière en Guadeloupe est en vigilance jaune depuis 1999. Désormais, l'OVSM publiera un bulletin mensuel de l'activité sismique de la Montagne Pelée.
Revoyez la conférence de presse qui s'est tenue à l'Université des Antilles à Schoelcher :