Les commerçants martiniquais sont-ils prêts pour l’aventure click and collect ?
Le confinement a chamboulé nos habitudes d’achat et de consommation. Les commerçants ont dû, du jour au lendemain, repenser leurs stratégies de vente pour s’adapter à ces nouveaux enjeux. Mais qu’en est-il réellement en Martinique ? Nos commerçants sont-ils prêts à entamer ce virage digital ?
Ce vendredi 13 novembre, l'Association Fort-de-France Cœur de Martinique (FCM) et la CCIM inaugurent un espace Conciergerie de centre-ville / Click & Collect. L'occasion de revenir sur sur ce système qui permet de payer son article en ligne et de venir le récupérer en magasin. La pratique a pris beaucoup d'ampleur ces derniers mois grâce au confinement et est déjà rentrée dans les habitudes de nombreux consommateurs martiniquais, à l'affût de solutions d'achat alternatives à la fermeture de nombreuses enseignes .
Un challenge de taille pour les entreprises non digitalisées
De plus en plus de magasins de l’île proposent donc désormais le click and collect. Mais la mise en place de cette option peut s’avérer un challenge de taille pour les commerçants qui n’avaient pas encore entamé leur digitalisation. Et c’est là qu’intervient la CCI de Martinique, qui dispose désormais d’une enveloppe de 100 000 euros débloquée par l’Etat, pour les sociétés qui souhaitent prendre le virage du click and collect.
"Une bonne nouvelle", estime Alexandre Ventadour, président directeur général de Complay Agency, mais qui ne suffira pas, selon lui, à garantir une transition digitale réussie. « Il y a certes de l’argent qui arrive, et c’est bien", concède-t-il. "Mais ce que je crains, c’est que les personnes qui en profitent n’aient pas forcément l’éducation nécessaire pour pouvoir l’exploiter et, du coup, en avoir une expérience positive. Le click and collect, ce n’est pas en un claquement de doigts que l’on est capable d’en faire. Il y a une logistique et des réflexions à avoir en amont."
Une présence digitale des marques antillaises insuffisante
A l'échelle nationale, on remarque une faible numérisation des petites entreprises. Comme l'indique le gouvernement dans son plan de numérisation des entreprises, seule une TPE sur trois possède un site internet.
Aux Antilles, une étude du taux de présence digitale a été menée par Complay Agency sur environ 250 à 300 marques en Martinique et en Guadeloupe afin de vérifier si ces dernières possédaient un site internet, si elles étaient présentes sur Google ou encore sur les réseaux sociaux. La conclusion de cette étude est sans appel : nos commerces antillais sont à l’heure actuelle trop faiblement digitalisés. Alors, comment expliquer ce retard ? Tout d’abord par un manque d’innovation dans nos cultures d'entreprises locales, notamment en ce qui concerne le digital. Mais aussi et surtout, par le fait que les entreprises n’ont pas encore tout à fait compris la nécessité d’un accompagnement professionnel de qualité dans leur transition digitale.
Un accompagnement professionnel indispensable pour une transition digitale réussie
Pour mettre en place une stratégie numérique, il est souvent plus judicieux de faire appel aux professionnels compétents en la matière. Des prestataires (développeur ou une agence) capables mobiliser les outils nécessaires pour vendre sur le web en toute sécurité et communiquer efficacement sur ces nouveaux services. "Mais en amont de cela, se faire accompagner par quelqu’un qui comprend la logistique et qui amène à créer ces stocks internet, je trouve que ce n’est pas superflu, explique encore Alexandre Ventadour. "Ce qui selon moi est un vrai problème aujourd’hui, c’est comment je livre les produits. Si je les fais livrer par une entreprise, j’ai l’assurance d’une certaine qualité et traçabilité, mais est-ce que les coûts qui me seront demandés sont en phase avec ce que je suis prêt à payer ?" .
Des plateformes e-commerce comme Yopo.shop sont des "marketplaces" qui permettent d’accélérer cette transition digitale. Elisa Huygues Despointes ,co-fondatrice de la plateforme, indique que le confinement, et désormais le reconfinement, ont accéléré la prise de conscience des entreprises de se faire accompagner dans la digitalisation de leurs commerces. « Nous leur proposons un accès à la plateforme pour qu'ils puissent ainsi vendre de façon assez simple sur internet et continuer à livrer leurs clients, voire même à en acquérir de nouveaux grâce à notre communication sur nos réseaux. À partir de quelques références, vous pouvez déjà accéder à la plateforme et proposer à vos clients soit le click and collect si votre boutique reste ouverte, ou alors la livraison à domicile partout en Martinique. », explique la gérante.
"Si les commerçants ne sont pas prêts, les Martiniquais le sont !"
Il est ainsi impératif pour les commerçants de pouvoir proposer une offre en phase avec la demande de la population locale. « Il est temps de s’inscrire dans une compétition qui devient mondiale. On est en 2020, presque en 2021, et si les commerçants ne sont pas prêts, il y a une vérité en tout cas, c’est que les Martiniquais le sont ! » déclare Alexandre Ventadour. Ce dernier note également une croissance des comportements e-commerce et m-commerce (commerce mobile, ndlr) sur notre territoire : « C’est arrivé avec des gens un peu « trendy », avec des jeunes, avec des femmes qui achètent un peu plus que les hommes, et puis aujourd’hui toutes les populations achètent en ligne et intègrent ça dans leur comportement de consommateurs ».
En effet, 97% des Martiniquais ont un mobile, 80% ont accès au haut débit et 65% des Antillais achètent en ligne dans des secteurs comme l’habillement, le voyage, la technologie ou la culture. Ces chiffres prouvent que les Martiniquais sont déjà majoritairement équipés en matériel et ont un appétit digital qu’une majorité d’entreprises locales n’arrive pas encore à satisfaire.
"Aujourd'hui, nous n’avons plus le choix : il faut juste y aller !"
Le secteur du digital est un milieu très concurrentiel, et le retard des commerçants martiniquais fait les beaux jours de leurs concurrents. Ces derniers sont, eux, déjà bien en place et disposent d'une force de frappe extrêmement forte en terme de communication, de logistique et de savoir-faire en distribution.
"Il faut donc relever ce défi", encourage Alexandre Ventadour. "Un défi qui n’est pas simplement celui de l'e-commerce, mais celui de la distribution des produits. Si j’ai une clientèle qui est prête à acheter – puisque le Martiniquais est globalement prêt à acheter – est-ce que j’ai construit la capacité de répondre à cette envie ? Aujourd’hui, l’avantage et l’inconvénient c’est que nous n’avons plus le choix : il faut juste y aller ! Et à mon avis, ceux qui ne le feront pas resteront sur le carreau ! ».
Vers un "Amazon" martiniquais?
Heureusement, de plus en plus de commerçants comprennent que la donne est en train de changer et que le consommateur est en train d'évoluer. Alexandre Ventadour prédit une pleine intégration du e-commerce en Martinique et aux Antilles-Guyane d’ici fin 2021.
"Je pense qu’on pourrait se fixer un défi collectif d’y arriver en 12 mois, et cela ne peut pas être qu’une décision des commerçants", affirme-t-il. 'Il faudrait déterminer comment, de manière globale, les politiques, les acteurs de la transition numérique et les commerçants peuvent être capables de se mettre autour d’une table et se donner un délai de 12 mois pour que l’Amazon martiniquais soit martiniquais."