Chlordécone : la santé des martiniquais au cœur de toutes les inquiétudes
Stanislas Cazelles, préfet de Martinique et Jérome Viguier, directeur de l’Agence Régionale de Sante ont abordé de nombreux sujets en lien avec la santé des martiniquais dans le sensible dossier de la chlordécone.
L'ensemble de la population a été exposée à la chlordécone, comme l'a montrée l'étude Kanari. Les travailleurs de la banane étaient encore plus exposés. Des études ont été menées, mais le système de surveillance ne fonctionne que quand la personne est en activité professionnelle. Or le cancer intervient en moyenne vers 70 ans. "On y va avec prudence. On parle de maladies qui sont liées à la chlordécone. Le sujet est marqué par l'incertitude. On a du mal à reconstituer ce qui s'est passé après l'interdiction. La science elle-même a des incertitudes. Une prudence qui peut être ressentie comme de la lenteur. On essaie de mettre les bouchées doubles"
LIEN ENTRE CHLORDÉCONE ET CANCER DE LA PROSTATE
Jérôme Viguier, directeur de l’ARS, indique que la chlordécone n'explique pas tous les cancers de la prostate. « La chlordécone expliquerait 4 à 5% des cancers de la prostate, selon les études du docteur Multigner. La chlordécone est un perturbateur endocrinien. Il agit sur toute la sphère endocrinienne. D'autres pathologies peuvent être entraînées par les perturbateurs endocriniens comme l'endométriose. Il y a nécessité de faire des études sur le sujet parce qu'il y a une prévalence importante de l'endométriose sur le territoire ». Il indique que l'enquête « Madiprostate » (programme d'étude sur les conséquences du pesticide au regard du nombre record de cancers de la prostate en Martinique) ne reprendra pas de la même façon. « La question doit être plus large sur le retentissement sur les pathologies. Le registre des cancers de la Martinique est très investi sur les cancers possiblement liés à la chlordécone. Le problème, c'est la population, qui est limitée pour les cancers à signaux faibles. C'est pourquoi le registre des cancers de Martinique travaille avec le registre des cancers de la Guadeloupe », indique le directeur de l’ARS.
LA PRÉSENCE DE CHLORDÉCONE DANS LES ALIMENTS
La présence de la molécule dans certains produits alimentaires inquiète la population. Stanislas Cazelles se veut rassurant sur ce sujet : « Le président de la République demande d'aller vers le zéro chlordécone. Ce sera le sujet du Comite de Pilotage (COPIL) chlordécone qui se tient cet après-midi (mercredi 23 septembre 2020) ». Le préfet veut aider les agriculteurs et les éleveurs à pouvoir mettre le label zéro chlordécone sur leurs produits, comme c'est déjà le cas dans la production des oeufs.
Il indique que la production agricole est meilleure qu'en 2002. Les agriculteurs ont fait un travail de connaissance de leurs sols. Le plan chlordécone prévoit des fonds pour la traçabilité. Concernant la dépollution, cette dernière est à l'état de recherche. Soit des molécules pour dépolluer le sol, soit des plantes qui absorberaient le chlordécone. « Il y a aussi des terres qui ne sont pas polluées et qui doivent être exploitées. Les analyses de sols sont gratuites pour les agriculteurs et les particuliers qui veulent faire leur potager à la maison », précise Stanislas Cazelles.
CHLORDÉCONE ET EAU
Sur la qualité de l'eau, le directeur l’ARS reconnaît ne pas avoir suffisamment communiqué sur tous les contrôles effectués sur l'ensemble du réseau. Il considérait que si l'eau qui sortait des stations était de qualité suffisante, ça ne nécessitait pas d'autres contrôles. Mais vu les risques de recontamination, une analyse sur l'eau des robinets est en cours. Une analyse qui sera refaite prochainement. On fera également une analyse de toutes les eaux de source. Ce sera également le cas pour les sources qui sont sur des terrains privés dans le cadre du programme Jaffa », a encore indiqué Jérôme Viguier.