Le meurtrier présumé Wilfried Jean-Lambert passe à la barre

Par 27/01/2021 - 20:49 • Mis à jour le 27/01/2021 - 22:53

Lors de cette troisième journée du procès de Wilfried Jean-Lambert, accusé du meurtre de Jessica Gabriel, et de viol sur mineur, les experts psychiatres ont présenté leurs rapports. Si l'un d'eux conclut à une altération légère du discernement, les deux autres affirment que l'accusé est conscient de ses actes. Peu coopératif tout au long de son interrogatoire, l'accusé s'est timidement excusé.

    Le meurtrier présumé Wilfried Jean-Lambert passe à la barre

L'audience d'aujourd'hui mercredi 27 janvier a pourtant failli être renvoyée à la demande de la défense et des parties civiles, qui déploraient l'absence d'un des experts, dont le rapport a été lu finalement ce matin.

Au total, trois expertises psychiatriques et psychologiques ont été présentées à la cour. C'est à l'issue de celles-ci que le profil de Wilfried Jean-Lambert a été dressé. Le premier rapport conclut à une légère altération du discernement du fait de la séparation avec Jessica Gabriel. 

Le second rapport, écrit en commun par deux experts, conclut lui à une absence d'altération du discernement : l'accusé est bien conscient de ce qu'il a fait. Il est donc responsable de ses gestes. 

Un profil narcissique, ne supportant pas de ne pas être écouté

Les rapports s'accordent sur l'aspect narcissique de la personnalité de l'accusé, qui se décrit lui-même comme très apprécié des autres personnes, et qui enchaîne les relations de couple sur des périodes se chevauchant, et souvent avec plusieurs femmes en même temps. 

Mais alors d'où vient cette violence ? Selon l'expert entendu par visoconférence, il faut remonter à l'enfance de l'accusé. Le problème, ce n'est pas son père, qu'il qualifie pourtant de très strict et d'alcoolique, mais sa mère : "elle parlait tout le temps, je ne pouvais pas en placer une", a-t-il confié à l'expert psychiatre il y a deux ans. Seule sur son banc, la mère de l'accusé regarde dans le vide, comme un peu perdue. 

Cette relation avec sa mère est bien le fil rouge face aux questions des psychiatres sur ses gestes de violence pendant et après ses relation, il tient le même discours : "Elles ne me laissaient pas parler", dit-il.

C'était le cas avec la mère de sa fille, qu'il détestait. C'est d'ailleurs elle qu'il aurait toujours voulu tuer, selon ses dires à l'expert. C'était le cas également pour Jessica Gabriel le soir du drame, selon l'accusé :

Ce soir là, je lui parlais mais elle ne m'écoutait pas, elle me tournait le dos

Une colère qui se transforme alors en rage. "Comment peut-on expliquer alors ce comportement au sens psychiatrique ?", demande l'avocate des parties civiles à l'expert. Ce dernier répond : 

On ne peut pas, on n'est pas dans un cas de maladie ou de pathologie. Tout le monde peut avoir des moments de rage, mais on crie puis on se contrôle. Là c'est sans limite, c'est de la haine à l'état pur.

Autre élément qui interpelle et inquiète les experts : l'hyper-excitation de l'accusé. Le fait d'avoir pu, après le meurtre, violer la fille de la victime, et avoir une relation sexuelle un peu plus tard avec sa compagne de l'époque, comme si la violence entraînait du plaisir.

Un accusé enfermé dans le mutisme, qui ne se justifie que très peu

Sur les viols, l'homme pourtant coopératif pendant l'expertise se renferme. Il explique ne pas se reconnaître dans ces actes, qu'il justifie pourtant :

C'était un acte de vengeance par rapport à Jessica. Quand je faisait ça, c'est elle que je voyais

C'est ce qu'il confie à l'expert. L'homme manifeste tout de même des regrets, jusqu'à envisager le suicide après le procès. La fille de Jessica Gabriel, revenu ce matin, écoute sans rien laisser paraître.

Je pense à la fille de Jessica. Avec tout ce qui est arrivé, je me demande souvent comment elle va

C'est sans doute la phrase la plus longue que l'on a entendu de l'accusé cet après-midi, face aux questions offensives et agacées de l'avocate de la partie civile, tant Wilfried Jean-Lambert s'est montré peu coopératif, y compris devant la présidente du tribunal qui y est pourtant allé au forceps. Même là, elle n'a pas obtenu grand chose : oui, non, souvent un grand silence. "S'il vous plaît Monsieur, lui dit-elle d'un ton calme, la famille a besoin de réponses, et nous aussi car on vous juge". Et cela dure tout au long de l'interrogatoire. 

L'accusé, tee-shirt gris clair à manches courtes, jean, baskets, garde les mains croisées, la tête baissée. Il parle très bas et articule très peu. A tel point que c'est son avocate qui doit retranscrire ses propos. 

Dans la salle, l'ambiance est extrêmement lourde. Le manque de coopération de Wilfried Jean-Lambert, qui a demandé et obtenu de faire sortir sa famille le temps de son témoignage, agace.

Pourtant, pour faire parler l'accusé, la présidente a parfois insisté sur les détails les plus sordides de l'affaire. Puis elle demande : "Vous l'avez vue, Monsieur, la fille de la victime ? Vous ne l'avez pas tuée, mais est ce que vous l'avez vue ?"

Un silence, puis un timide et rapide :

Je m'excuse

L'accusé est aussitôt interrompu par un homme qui se lève, l'insulte et part.

Il reprend : 

Je disais donc, je demande pardon pour ce que j'ai fait 

Des zones d'ombres

Sur les raisons du meurtre, il explique que tout est parti d'une dispute, que Jessica Gabriel aurait parlé de la mère de sa fille, ce qui l'aurait mis en colère. Une version remise en doute par la partie civile : la fille de la victime n'a rien entendu d'autre que les cris de douleur de sa mère.

Puis l'avocat général revient sur des virements très importants et réguliers de plus de mille euros vers la Côte d'Ivoire depuis le mois de décembre. Quelques jours avant le drame, il récupère la somme de 1200€ qu'il a exigé de Jessica et une montant similaire est viré, toujours en Côte d'Ivoire, mais à une autre personne. L'accusé affirme que ces virements ont pour but de venir en aide à un ami. Il nie le blanchiment d'argent, le recours à la magie noire ou le chantage. Le motif de ces virements restera inconnu. 

Sur l'intention de tuer, l'avocat l'interroge : "Vous reconnaissez un coup dans le dos et un dans le cou. C'est curieux parce que ces deux là ne sont pas mortels. Et quand on vous demande si vous aviez l'intention de la tuer vous dites non. Mais alors et ce coup dans la bouche ?" L'accusé ni avoir voulu tuer la victime et lâche :

C'est vrai que j'ai porté des coups, mais je ne sais plus vraiment où

La journée de demain, dernière du ce procès éprouvant, sera dédiée aux plaidoiries des deux parties et au verdict de la cour.