Esclavage : un nouveau procès pour obtenir réparation s'ouvre à la Cour d'appel de Fort-de-France
Un nouveau volet du feuilleton judiciaire du MIR s'ouvre dans le but d'obtenir réparations des crimes de la traite et de l’esclavage. La première journée d'audience d'un nouveau procès a débuté ce matin (lundi 11 octobre) à la Cour d'appel de Fort-de-France.
Un parcours semé d’embûches
Un nouveau procès contre l’État français s’ouvre ce matin devant la Cour d’appel de Fort-de-France, tandis qu’un autre est en attente d’une décision définitive de la Cour européenne des droits de l’Homme.
Il est la conséquence du long parcours judiciaire lancé par le MIR en 2005, le mouvement international pour les réparations, pour obtenir l'évaluation du préjudice subi par les descendants d'esclaves, ainsi que des réparations morales et financières suite à l’esclavage. Un parcours pavé de rebondissements, car si la France reconnaît l'esclavage comme crime contre l'humanité avec la loi Taubira en 2001, la cour d'appel refuse de reconnaître l'existence d'un préjudice direct et personnel subi par les demandeurs en 2017, puis la Cour de cassation rejette également l'affaire pénale en 2019.
Pour maître Georges Emmanuel Germany, l’un des avocats du MIR, ce cheminement impulsé depuis une dizaine d’années n'a pas été vain, bien au contraire :
La Cour européenne des droits de l'Homme vient de déclarer notre requête recevable, et c'est déjà entendre la voix des parties. A l'origine, lorsque nous avons assigné la première fois, l’Etat disait que l'esclavage, relevant de la norme du Code Noir, était normé, et demandait que ce soit le juge du droit administratif, du droit public, qui juge. Nous avons dit qu'un crime contre l'humanité ne pourra jamais être normal, même s'il est normé. Et nous avons été entendus par le juge, qui a donné tort à l’État en lui disant que l'on va rester devant le juge civile
Un procès entièrement filmé
Donc cette-fois-ci,15 avocats représentent une centaine de requérants devant la Cour d'appel de Fort-de-France, originaires d'Afrique et des territoires qui ont été jadis des colonies avec des esclaves, en occurrence la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique. Une audience d’envergure prévue pour durer deux jours, aujourd’hui et demain.
Les trois juges qui ont en charge cette affaire doivent aujourd'hui entendre les différentes parties avec dans leur champ de vision des fers et des chaînes ayant servi, selon toute vraisemblance, pour des esclaves. Une image forte pour ce premier jour, mais aussi des mots forts choisis avec minutie par les différents avocats : "Un jour, la France paiera", affirme maître Manville lors de sa plaidoirie. Juste avant lui, maître Georges Emmanuel Germany avait commencé en demandant "Est-ce que la cours dort ?", rituel utilisé habituellement lors des veillées aux Antilles.
Une audience qui revêt aussi un caractère exceptionnel car, fait rarissime en France, les débats seront entièrement filmés.
La juridiction devra ainsi se prononcer sur plusieurs points, notamment celui de la prescription, puis le principe de la réparation et du droit à la réparation. Les avocats des associations plaignantes plaident la légitimité de ces actions et le fait qu'ils n'ont pas besoin d'apporter de preuve, car ils se basent notamment sur la loi Taubira de 2001 reconnaissant la traite et l'esclavage comme crime contre l'humanité.
Une audience qui cristallise un sentiment de détermination, mais aussi une certaine appréhension, car la justice française leur a déjà infligé plusieurs revers. Devant la Cour d'appel de Fort-de-France, les militants font retentir tambours et conques de lambis pour exprimer leur soutien.
Les avocats de l’Etat français plaideront à leur tour demain.
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