Pourquoi mange-t-on du crabe à Pâques en Martinique ?

Par 16/04/2025 - 18:21 • Mis à jour le 17/04/2025 - 17:11

    Pourquoi mange-t-on du crabe à Pâques en Martinique ?

Les marmites frémissent, les pinces claquent, les familles s’activent. Qu’on en mange ou pas, le crabe fait partie du décor pascal en Martinique. Mais derrière ce plat emblématique se cache une histoire souvent méconnue, qui plonge ses racines dans les heures sombres de l'esclavage.  

Sous l’ère coloniale, l’Église imposait aux esclaves le respect strict du carême. Interdiction de consommer de la viande pendant cette période. Livrés à eux-mêmes et privés de ressources, les esclaves se tournent alors vers ce que la nature leur offre : les crabes. Abondants dans les mangroves et les rivières, faciles à attraper et à cuisiner, ils deviennent leur principale source de protéines. 

Ce mets, que l’on célèbre aujourd’hui, fut à l’époque une nourriture de survie. Un symbole de privation, de débrouillardise, mais aussi de solidarité, car la préparation du crabe – de la capture à la cuisson – se faisait souvent en communauté. 

Après l’abolition, le regard sur le crabe change. Les anciens esclaves, fraîchement affranchis, rejettent ce symbole du passé douloureux. Le dimanche de Pâques, jour de réjouissance et de liberté retrouvée, on met à l’honneur des viandes festives comme le coq ou le mouton. Le crabe, lui, disparaît quelque temps des repas pascals. 

Ce n’est qu’en 1884, lorsque le lundi de Pâques est officiellement reconnu comme jour férié, que le crabe refait son apparition. Non plus comme une contrainte, mais comme un clin d'œil à l'histoire. Une manière subtile de rendre hommage aux ancêtres, sans reproduire leur souffrance. 

Aujourd’hui, ce repas pascal autour du Matoutou est bien plus qu’un plat savoureux. C’est un héritage vivant. Un moment de partage, de mémoire et de transmission. Un rendez-vous familial où l’on cuisine, où l’on raconte, où l’on rit, et surtout… où l’on se souvient.


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