L'ambassade américaine reprend la délivrance de visa à La Havane

Par 07/01/2023 - 11:40

Alors que Cuba connaît un exode sans précédent, les Etats-Unis ont recommencer à délivrer des visas à La Havane.

    L'ambassade américaine reprend la délivrance de visa à La Havane

L'ambassade américaine à La Havane a repris mercredi la délivrance de visas pour les Cubains désirant s'installer aux Etats-Unis, dans un contexte d'exode record vers ce pays, mais sans que se dessine une "normalisation" des relations avec l'île communiste. 

"Cela a été très rapide, je dois maintenant venir chercher mon visa et je peux voyager", se réjouit à la sortie de l'ambassade Melissa Vazquez, 18 ans. Après "sept ans" d'attente, elle espère désormais retrouver son père qui vit aux Etats-Unis. 

"C'est favorable pour tous les Cubains qui vont voyager, bien sûr", se félicite Eduardo Gonzalez. Cet artisan de 49 ans avait vu sa procédure de réunification familiale interrompue en 2017 lorsque le consulat avait fermé pour de supposés incidents de santé ayant touché des diplomates, phénomène toujours inexpliqué.

"Je devais encore fournir un document" et "je ne sais pas si on va me donner une issue favorable", raconte-t-il à l'AFP, modérément optimiste, avant son rendez-vous. 

L'ambassade américaine avait annoncé en mars la réouverture de son consulat. Cette annonce a été suivie de plusieurs rencontres de haut niveau de responsables des deux pays, d'abord à Washington puis à La Havane, avec l'objectif de réactiver les accords migratoires interrompus sous le gouvernement de Donald Trump (2017-2021). 

Relancé en mai de façon "limitée", le traitement des demandes de visas a repris normalement mercredi, hormis pour les visas de tourisme, afin d'"assurer une émigration sûre, légale et ordonnée", selon l'ambassade.

Depuis 2017, les Cubains désirant obtenir un visa pour les Etats-Unis étaient confrontés à une véritable course d'obstacles, avec l'obligation de faire leur demande, à leurs frais, dans un pays tiers -- en général le Guyana. 

"Cela concrétise ce que nous avons toujours dit: que nous cherchons à trouver des moyens pratiques pour soutenir le peuple cubain", a déclaré à la presse le porte-parole du Département d'Etat, Ned Price. 

- "Changements minimes" -

Frappée par une grave crise économique, Cuba connaît un exode sans précédent. Nombre de Cubains profitent depuis fin 2021 de l'exemption de visa au Nicaragua, allié de La Havane, pour tenter ensuite de rallier les Etats-Unis à travers l'Amérique centrale. 

Depuis le 1er décembre 2021 et jusqu'à début décembre 2022, les autorités américaines ont réalisé 277.594 interpellations de Cubains tentant d'entrer illégalement aux Etats-Unis. L'émigration clandestine par la mer s'est accélérée ces derniers mois. 

Le gouvernement cubain a reconnu que Washington avait accordé en 2022, pour la première fois depuis 2017, plus de 20.000 visas à des Cubains souhaitant s'établir aux Etats-Unis, comme prévu par des accords datant de 1994. 

Mais "tant que se poursuit l'embargo (...) ainsi que le traitement privilégié à la frontière" accordé aux migrants venant de Cuba, "il va être difficile de diminuer considérablement le flux migratoire illégal", a réagi sur Twitter le ministre cubain des Affaires étrangères, Bruno Rodriguez.

Si certaines sanctions prises sous Donald Trump ont été assouplies par son successeur Joe Biden, le démocrate se garde bien pour l'instant de relancer la politique de rapprochement initiée par Barack Obama (2009-2017). 

A son arrivée à la Maison Blanche, M. Biden avait promis de revoir la politique américaine envers Cuba, mais son discours s'est durci après les manifestations anti-gouvernementales sur l'île en juillet 2021. En décembre, il a appelé une nouvelle fois à la libération de "centaines de prisonniers politiques" arrêtés lors des manifestations. 

Washington a également maintenu Cuba sur la liste des pays soutenant le terrorisme et l'a inclus récemment dans une liste de pays attentant à la liberté religieuse. 

"M. Biden tente de recalibrer sa politique envers Cuba, en traçant un chemin médian entre la pression maximale de Trump et le rapprochement d'Obama, mais pour l'heure les changements de la politique américaine envers l'île ont été minimes", estime Jorge Duany, spécialiste de Cuba à l'Université internationale de Floride. 

"C'est un bon signe que les gouvernements des deux pays se parlent sur la manière de gérer les flux migratoires de façon ordonnée et rationnelle", analyse pour l'AFP Michael Shifter, de l'Université de Georgetown à Washington. Mais "pour le moment, il n'y a pas les conditions pour avancer vers une normalisation des relations"

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