Haïti: l'ONU promet un pont aérien, un chef de gang veut continuer la lutte

Par 14/03/2024 - 10:48

Haïti, toujours au bord du gouffre, reste paralysée par l'activité des gangs. L'ONU tente d'organiser l'aide humanitaire via un pont aérien tandis que la mise en place d'un conseil de transition s'annonce plus compliquée que jamais.

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L'ONU a promis de mettre en place un "pont aérien" pour fluidifier l'aide humanitaire vers Haïti, pays pauvre des Caraïbes en proie à des violences, où un puissant chef de gang s'est engagé à poursuivre les combats alors qu'un plan de transition peine à aboutir.  

Les gangs qui contrôlent la majeure partie de la capitale Port-au-Prince ont lancé une campagne armée il y a près de deux semaines, afin de renverser le Premier ministre Ariel Henry, plongeant le pays dans un conflit violent avec des risques de famine et de guerre civile. 

Alors que l'aéroport international reste fermé, la mission de l'ONU en Haïti a annoncé mercredi soir un "pont aérien" entre la République dominicaine et Haiti pour la fluidité de l'aide et les mouvements de son personnel", a indiqué la mission. 

Ariel Henry a accepté de se retirer après une réunion d'urgence en Jamaïque lundi avec la participation de représentants haïtiens, la Communauté des Caraïbes (Caricom), l'ONU et plusieurs pays comme les Etats-Unis et la France. 

Mais un plan de transition permettant aux Haïtiens de former un Conseil présidentiel annoncé lors de cette réunion et visant à rétablir un semblant de stabilité semble menacé.

Puissance de feu

Le chef de l'une de ces bandes armées a jeté un pavé dans la mare en assurant qu'il allait "continuer la lutte pour la libération d'Haïti".

Le chef de gang Jimmy Chérizier alias "Barbecue" a dit que la démission d'Ariel Henry lui "import(ait) peu" dans une une interview à la radio colombienne W, 

"J'ai vu des pays de la Caricom en train de décider pour le peuple haïtien (...). Nous allons continuer la lutte pour la libération d'Haïti", a-t-il lancé.

Les gangs sont a priori exclus de la transition en préparation. Mais du fait de leur puissance de feu, ils risquent de peser de facto.

Les bandes criminelles contrôlent des pans entiers du pays, notamment 80% de la capitale Port-au-Prince. Leurs violences - meurtres, viols, enlèvements contre rançon, pillages - se sont étendues jusqu'à des zones rurales auparavant considérées comme sûres, avait indiqué l'ONU en novembre.

Ces dernières années, les gangs "sont devenus très puissants. Ils ont pénétré profondément dans les communautés. Ils ont recruté beaucoup de jeunes, ils ont exploité le désespoir des jeunes" et "ne veulent pas disparaître", dit Ivan Briscoe, de l'ONG International Crisis Group.

Haïti n'a pas eu d'élections nationales depuis 2016 et il n'y a actuellement ni président ni Parlement. Nommé quelques jours avant l'assassinat en 2021 du président Jovenel Moïse, le Premier ministre Ariel Henry était fortement contesté.

Plusieurs habitants ont salué sa démission mais se demandent comment se comporteront les gangs. 

Pour Emmanuel, qui a refusé de donner son nom de famille, M. Henry "était le plus gros obstacle que nous ayons rencontré". "Il n'avait pas vraiment de plan sur ce qu'il allait faire du pays. Nous avons besoin d'un mécanisme rapide pour le remplacer", a-t-il déclaré à l'AFP. 

"C'est maintenant au peuple de décider qui doit être Premier ministre et qui doit être président. Ces gens doivent être des patriotes haïtiens et ils doivent avoir le sens de la souveraineté nationale", a pour sa part insisté un autre Haïtien, Jean Dieuchel. 

"Mal préparés"

M. Henry s'était retrouvé bloqué à Porto Rico après une visite au Kenya, où il espérait mettre au point les détails d'un plan permettant à Nairobi de diriger une force de police approuvée par l'ONU pour rétablir l'ordre en Haïti.

Le Kenya devait déployer un millier de policiers dans le pays dans le cadre d'une mission internationale soutenue par l'ONU, mais a annoncé suspendre cet envoi au vu de la situation. Son président William Ruto a toutefois assuré que ce déploiement interviendrait une fois installé un conseil présidentiel.

Le président du Guyana, Irfaan Ali, qui dirige la Caricom, a de son côté souligné que la crise en Haïti dépassait probablement la capacité que les militaires caribéens pouvaient gérer.

"La situation en Haïti montre à quel point nous étions mal préparés en tant que région", a-t-il déclaré lors d'un événement organisé par l'Université de Guyane à Georgetown. 

Pourparlers difficiles

En Haïti, le conseil présidentiel doit être formé de sept membres votants représentant les principales forces politiques en Haïti et le secteur privé. Il doit choisir un Premier ministre intérimaire et nommer un gouvernement "inclusif".

Selon les Américains, ce conseil devait être formé "dans les 24 à 48 heures", mais les négociations sont ardues.

Jean Charles Moïse, du parti de gauche Pitit Desalin, a dit mercredi rejeter la proposition de la Caricom sur la formation d'un conseil présidentiel.

Et la plupart des partis contactés par l'AFP ont indiqué être encore en pourparlers.

Si le regroupement EDE/RED/Compromis historique, formation proche du président assassiné Jovenel Moïse, a déjà soumis sa représentante à la Caricom, des membres du collectif du 21 décembre - groupe d'Ariel Henry - sont eux en désaccord sur la personne à choisir.

"Rien de tout cela n'est facile. Rien de tout cela ne va se produire d'un jour à l'autre", a déclaré mercredi le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken. 

Les Etats-Unis ont annoncé avoir envoyé une équipe de leurs Marines pour protéger leur ambassade.

"Évidemment, la situation politique reste un peu floue", a reconnu le porte-parole du secrétaire général de l'ONU, Stéphane Dujarric, en exhortant à un accord sur ce conseil "aussi vite que possible".

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