À Cuba, une hausse de 500% du prix du carburant et la crainte de plus d'inflation

Par 09/01/2024 - 19:30

Le gouvernement cubain a annoncé lundi 8 janvier que les prix des carburants allaient augmenter à partir du 1er février. Essence ordinaire, super, diesel, tous sont concernés par cette hausse d'environ 500%. 

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Image d'illustration

"L'essence, c'est le thermomètre de l'économie", assène Rafael Oliver, 21 ans, craignant une nouvelle envolée des prix à Cuba après l'annonce par le gouvernement d'une augmentation de 500% du prix du carburant pour tenter, avec d'autres mesures, de réduire le déficit budgétaire du pays. 

Le litre d'essence ordinaire passera ainsi de 25 pesos cubains (20 centimes de dollar) à 132 pesos (1,10 dollar), soit une hausse de 528%, tandis que le super passera de 30 pesos cubains (25 centimes de dollar) à 156 pesos (1,30 dollar), soit +520%, a détaillé le ministre des Finances et des Prix, Vladimir Regueiro, à la télévision d'État.

Le gouvernement, qui subventionne la quasi-totalité des biens et services de première nécessité, a annoncé fin décembre une série de mesures visant à réduire le déficit budgétaire, alors que le pays est secoué par une profonde crise économique.

Le ministre de l'Économie, Alejandro Gil, avait reconnu que le gouvernement ne pouvait pas continuer à vendre du carburant à des prix "subventionnés" dans un pays, sous embargo américain, qui fait face à un manque cruel de devises.

"Le pays ne peut pas maintenir le prix du carburant, qui est le moins cher du monde si on le compare aux prix pratiqués dans d'autres pays", avait-il déclaré.

Mais avec un salaire de 2.600 pesos (équivalent à 21 dollars), Domingo Wong, père de famille de 57 ans, ne sait pas comment il va se débrouiller. "Avec les nouveaux prix, 10 litres d'essence, c'est la moitié de mon salaire", explique à l'AFP ce gardien d'immeuble qui patiente devant une station-service pour faire le plein de sa petite moto. 

"Dix litres, c'est ce que je consomme en une semaine, sans rien faire de spécial, juste le quotidien, aller au travail, amener ma fille à l'école, rendre visite à ma sœur", dit-il, résigné.

"Tout dépend du transport"

"C'est très cher, notre pouvoir d'achat n'est pas suffisant, cela nous touche tous", confie Juan Antonio Cruzata, un travailleur indépendant de 59 ans, alors que le salaire moyen à Cuba est de 4.800 pesos (40 dollars).

Outre la difficulté pour payer leur essence, nombre de Cubains craignent que la mesure n'alimente encore davantage l'inflation, déjà galopante depuis 2021. Les prix ont augmenté de 39% en 2022 et de 30% en 2023, selon les chiffres officiels que des experts interrogés par l'AFP estiment cependant sous-évalués.

"L'essence est le thermomètre d'un pays, littéralement, de l'économie d'un pays. Tout dépend du transport", estime Rafael Oliver. "Tous les prix en général vont augmenter, parce que même la nourriture que vous mangez est liée au transport", explique-t-il en enfourchant sa moto qu'il utilise au quotidien pour des services de mototaxi. 

"La nourriture, l'eau pour les quartiers les plus pauvres, je pense que tout va être touché par l'augmentation du prix du carburant", renchérit Javier Vega, 33 ans, chauffeur pour une agence de transport privée qui anticipe une hausse du prix de la course pour les clients, dans un pays où les transports publics sont déjà limités en raison du manque de carburant et de pièces détachées.

Dans cette île de 11 millions d'habitants confrontée à un manque chronique de carburant, l'augmentation des prix "a pour but d'acheter du carburant" et d'avoir "un approvisionnement stable", a justifié lundi le ministre de l'Énergie et des Mines, Vicente de la O Levy.

Le gouvernement a également confirmé une hausse de 25% du prix de l'électricité à partir de mars pour les grands consommateurs des quartiers résidentiels, ainsi qu'une augmentation du prix du gaz. Une réforme du carnet de rationnement, la fameuse "libreta", et d'autres hausses de prix sont prévues.

Cuba connaît sa pire crise économique depuis la fin des subsides soviétiques dans les années 1990, en raison des conséquences de la pandémie, de faiblesses structurelles et du renforcement des sanctions américaines par le président Donald Trump (2017-2021), maintenues pour l'essentiel par son successeur Joe Biden.

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