La droite martiniquaise orpheline de sa dernière figure tutélaire
Par Jean-Philippe LUDON, @jpludonrci
18/12/2015 - 02:11
• Mis à jour le 18/06/2019 - 15:27
Martinique
Michel Renard, 91 ans, l'une des dernières sinon la dernière figure emblématique de la droite martiniquaise a tiré sa révérence ce jeudi 17 décembre 2015 dans la commune qui l'a vu naître le 24 septembre 1924. C'est dans sa maison, à l'entrée du Marigot, bercée par les embruns et les vagues de l'Océan Atlantique que son décès a été constaté jeudi matin.
"C'était un homme de caractère et de
conviction". Ces mots sont d'Ange Lavenaire. Celui-là même
qui fut le "tombeur" de Michel Renard, l'indéracinable édile du Marigot.
Le qualificatif n'est pas exagéré.
"Le Shérif du Marigot", enseignant de son état, avait été élu à 23 ans, sous l'étiquette du parti communiste français (PCF), le plus jeune maire de France. C'était, il y a des lustres. C'était le 10 octobre 1947.
Un mandat qu'il a jalousement gardé d'une main parfois de fer (d'où son surnom de "shérif") durant près de 50 ans d'affilée. Ange Lavenaire dont il fut l'instituteur puis le témoin de mariage se rappelle aussi que, dirigeant d'équipe de football, Michel Renard l'avait appelé à ses côtés dans son équipe municipale en 1971. L'expérience n'avait pas duré longtemps. Et plus de vingt ans après, Ange Lavenaire s'emparait du fauteuil de maire du Marigot.
Michel Renard, c'était aussi un personnage. Un élu atypique qui n'a pas eu son pareil dans le landerneau politique martiniquais au cours de toutes ses années. Grand. Très grand, probablement 2 mètres. Il imposait par sa stature. Mais aussi par son verbe haut. Une voix de stentor qui résonnait dans les couloirs de sa mairie ou du conseil général.
Un redoutable homme politique
Même ce petit bégaiement, dont on ne sait plus s'il était naturel ou provoqué comme une sorte de coquetterie pour mieux impressionner ses interlocuteurs, ne semblait pas entamé son image d'homme redoutable en politique. Peut-être alors cette autre image : c'était le 16 août 1972, le quotidien France-Antilles, le montrait balafré de pas moins de 17 coups de rasoir portés par un garde du corps irascible. Il s'en remettra mais en gardera les stigmates.
Jeune communiste de 23 ans en 1947, Michel Renard attiré par de Gaulle deviendra plus tard l'un des leaders de la droite départementaliste. Autonomistes et indépendantistes seront dans sa ligne de mire. Les élections seront souvent le terrain de leurs affrontements. A part le mandat de sénateur, Michel Renard va occuper tous les postes politiques en Martinique.
Il fut conseiller général de 1949 à 1998 où il œuvra beaucoup pour le développement du réseau routier et l'électrification rurale comme président du Fonds d'Investissement Routier (FIR). Il fut également un précurseur de l'intercommunalité avec la création du Sivmano (Syndicat à vocation multiple du nord).
Conseiller régional de 1983 à 1986, lors de la création de la région Martinique, il avait été battu à un siège de majorité par la gauche avec Aimé Césaire.
Elu député RPR de Martinique (circonscription du Nord Atlantique) en 1986, il siège au Palais Bourbon durant toute la période de la cohabitation avec Jacques Chirac, alors premier ministre. Après la victoire de François Mitterrand en mai 1988, Michel Renard est battu par Guy Lordinot aux législatives de juin 1988. Il siégera de nouveau au conseil régional de 1990 à 1992.
L'automne du patriarche
C'est au début des années 90, après avoir pris quelques distances avec les hiérarques du RPR qu'il crée "le Mouvement pour la Martinique" puis "La Martinique avant tout" avec autour de lui un certain nombre de jeunes loups de la droite martiniquaise où l'on retrouve entre autres Yan Monplaisir, Sainte-Rose Cakin et André Lesueur. Un mouvement qui sera tiraillé de l'intérieur et qui marquera d'une certaine façon l'automne du patriarche.
Malgré sa prise de distance avec "Paris", Jacques Chirac va rester pour Michel Renard "un ami". Un ami qui se fera fort d'aller le voir ou de s'enquérir de sa santé quand il passera aux Antilles. Certains se souviennent d'une rencontre entre Jacques Chirac, alors président de la République, et Michel Renard à Saint-Joseph en marge d'un déjeuner avec les maires de la Martinique.
Amateur de bon vin, amoureux des plantes, féru de plantes médicinales, une passion qu'il partageait avec son ami Maurice Mességué, Michel Renard, devenu veuf ces dernières années, touché par une cécité progressive vivait dans sa maison du Marigot au dessus de l'Océan.
Ses obsèques auront lieu le lundi 21 décembre 2015 dans sa commune natale.
Jean-Philippe Ludon
@jpludonrci
"Le Shérif du Marigot", enseignant de son état, avait été élu à 23 ans, sous l'étiquette du parti communiste français (PCF), le plus jeune maire de France. C'était, il y a des lustres. C'était le 10 octobre 1947.
Un mandat qu'il a jalousement gardé d'une main parfois de fer (d'où son surnom de "shérif") durant près de 50 ans d'affilée. Ange Lavenaire dont il fut l'instituteur puis le témoin de mariage se rappelle aussi que, dirigeant d'équipe de football, Michel Renard l'avait appelé à ses côtés dans son équipe municipale en 1971. L'expérience n'avait pas duré longtemps. Et plus de vingt ans après, Ange Lavenaire s'emparait du fauteuil de maire du Marigot.
Michel Renard, c'était aussi un personnage. Un élu atypique qui n'a pas eu son pareil dans le landerneau politique martiniquais au cours de toutes ses années. Grand. Très grand, probablement 2 mètres. Il imposait par sa stature. Mais aussi par son verbe haut. Une voix de stentor qui résonnait dans les couloirs de sa mairie ou du conseil général.
Un redoutable homme politique
Même ce petit bégaiement, dont on ne sait plus s'il était naturel ou provoqué comme une sorte de coquetterie pour mieux impressionner ses interlocuteurs, ne semblait pas entamé son image d'homme redoutable en politique. Peut-être alors cette autre image : c'était le 16 août 1972, le quotidien France-Antilles, le montrait balafré de pas moins de 17 coups de rasoir portés par un garde du corps irascible. Il s'en remettra mais en gardera les stigmates.
Jeune communiste de 23 ans en 1947, Michel Renard attiré par de Gaulle deviendra plus tard l'un des leaders de la droite départementaliste. Autonomistes et indépendantistes seront dans sa ligne de mire. Les élections seront souvent le terrain de leurs affrontements. A part le mandat de sénateur, Michel Renard va occuper tous les postes politiques en Martinique.
Il fut conseiller général de 1949 à 1998 où il œuvra beaucoup pour le développement du réseau routier et l'électrification rurale comme président du Fonds d'Investissement Routier (FIR). Il fut également un précurseur de l'intercommunalité avec la création du Sivmano (Syndicat à vocation multiple du nord).
Conseiller régional de 1983 à 1986, lors de la création de la région Martinique, il avait été battu à un siège de majorité par la gauche avec Aimé Césaire.
Elu député RPR de Martinique (circonscription du Nord Atlantique) en 1986, il siège au Palais Bourbon durant toute la période de la cohabitation avec Jacques Chirac, alors premier ministre. Après la victoire de François Mitterrand en mai 1988, Michel Renard est battu par Guy Lordinot aux législatives de juin 1988. Il siégera de nouveau au conseil régional de 1990 à 1992.
L'automne du patriarche
C'est au début des années 90, après avoir pris quelques distances avec les hiérarques du RPR qu'il crée "le Mouvement pour la Martinique" puis "La Martinique avant tout" avec autour de lui un certain nombre de jeunes loups de la droite martiniquaise où l'on retrouve entre autres Yan Monplaisir, Sainte-Rose Cakin et André Lesueur. Un mouvement qui sera tiraillé de l'intérieur et qui marquera d'une certaine façon l'automne du patriarche.
Malgré sa prise de distance avec "Paris", Jacques Chirac va rester pour Michel Renard "un ami". Un ami qui se fera fort d'aller le voir ou de s'enquérir de sa santé quand il passera aux Antilles. Certains se souviennent d'une rencontre entre Jacques Chirac, alors président de la République, et Michel Renard à Saint-Joseph en marge d'un déjeuner avec les maires de la Martinique.
Amateur de bon vin, amoureux des plantes, féru de plantes médicinales, une passion qu'il partageait avec son ami Maurice Mességué, Michel Renard, devenu veuf ces dernières années, touché par une cécité progressive vivait dans sa maison du Marigot au dessus de l'Océan.
Ses obsèques auront lieu le lundi 21 décembre 2015 dans sa commune natale.
Jean-Philippe Ludon
@jpludonrci