Echouements d’algues sargasses, comment les valoriser ?
Le retour des échouages d’algues sargasses sur les côtes de Martinique et de Guadeloupe, nous fait nous interroger sur la problématique de la valorisation des algues brunes une fois ramassées. Un jeune chercheur haïtien en a fait justement le sujet de sa thèse à l’université de Porto Rico.
Il y a 8 jours, les relevés satellitaires de météo France annonçaient l’arrivée de nouveaux radeaux de sargasses sur les côtes de la Martinique et de la Guadeloupe.
En Martinique, selon ces données, des échouements massifs étaient donc attendus, en particulier sur la côte Atlantique, mais également dans le secteur de Sainte-Luce et du Diamant.
En Guadeloupe, l'arrivage des sargasses était aussi prévu, en plus ou moins continu, sur tous les littoraux exposés, selon le bulletin publié le 12 août par la DEAL Guadeloupe, à savoir La Désirade, Saint-François, Sainte-Anne, Le Gosier et la façade atlantique de la Basse-Terre.
L’occasion de se pencher sur les recherches scientifiques dans ce domaine avec un doctorant spécialiste en la matière.
Le but : en apprendre davantage sur le phénomène et les possibles valorisations.
Intensification du phénomène
Jodany Fortuné est chercheur au département des sciences de l’environnement à l'université Porto Rico. Il revient sur les causes de l’intensification du phénomène.
Aujourd'hui, c'est de plus en plus confirmé, en Amazonie, surtout au Brésil, on fait ce qu'on appelle le défrichage pour les activités agricoles et, avec l'érosion et beaucoup de pluie, ça apporte des nutriments au niveau de la mer. C’est une sorte d’engrais. Les algues trouvent beaucoup d'aliments et ça prolifère. Les changements climatiques affectent aussi les courants marins dans la zone, surtout à l'Est du Brésil. D’où l'arrivée des algues sur nos plages, dans les Caraïbes. Par ailleurs, le continent africain apporte beaucoup de nutriments par des fleuves qui se jettent dans l’océan Atlantique. Et aussi, la poussière du Sahara, venant du Sahara, apporte beaucoup de nutriments également.
Du biogaz, mais pas uniquement
Jodany Fortuné finalise une thèse sur la valorisation des sargasses.
Nous utilisons les sargasses dans un système fermé, un système anaérobique, qui fonctionne en absence d'oxygène et qui produit du biogaz. Ce biogaz-là, on peut l'utiliser comme source d'énergie. Et c'est dans ce sens que dans notre laboratoire, depuis des années, nous faisons cette expérience et nous voyons qu'il y a la possibilité d'utiliser la biomasse des algues pour la production de biogaz.
Pour Jodany Fortuné, on peut valoriser les algues, mais cela demande beaucoup d'investissements. Et il précise également que les filières de valorisation nécessitent des temps d’études longs.
Ces dernières années, dans la grande région Caraïbes, de nombreuses équipes de recherches ont développé des projets innovants afin de valoriser les algues sargasses. Et ce dans des domaines variés, comme la construction (BTP), la fabrication de papier… et même de produits de beauté.
Capteur de CO2
Une fois à terre, les sargasses sont néfastes, notamment du point de vue sanitaire, et ne sont pas sans poser de difficultés pour les activités touristiques. Depuis les premières invasions massives en mer des Caraïbes, en 2011, il ne fait désormais aucun doute que les gaz dégagés lors de la composition des algues brunes sont nocifs pour la santé humaine et pour de nombreux matériaux de construction et d’appareils électroménagers.
Toutefois, en mer, comme l’explique Jodany Fortuné, elles ont un rôle de capteur de CO2 et sont donc un moyen de lutte efficace contre le changement climatique.
D’autres études ont commencé à montrer qu’il y a du Golfe du Mexique jusqu’à l’Est des Petites Antilles, plus de 25 millions de tonnes d’algues et elles peuvent aider à enlever beaucoup de gaz carbonique dans l’atmosphère. On dit même qu’elles peuvent absorber autant de gaz carbonique que l’ensemble des forêts de mangrove dans le monde.