Une infirmière antillaise récompensée au Congrès francophone de la pratique avancée
Florence Guitteaud, 41 ans, née en région parisienne d'un père martiniquais et d'une mère guadeloupéenne, a reçu le premier prix du jury pour ses travaux de mémoire sur l'acceptation de l'amputation chez les patients diabétiques, lors de cet événement qui se tenait le 1er mars à la Maison de la Chimie, à Paris.
L'infirmière d'origine antillaise a été distinguée pour son "poster", soit la présentation synthétique de ses travaux du mémoire qu'elle a soutenu pour obtenir son diplôme d'Infirmière de pratique avancée (IPA), en juillet 2023.
Grâce à ce nouveau diplôme universitaire de niveau master, elle s'occupe désormais du suivi de patients longue durée, à la fois sur le plan clinique, mais accompagne aussi leur organisation quotidienne. Une évolution professionnelle qui a nécessité de retourner aux études, sans regret.
Cela a remis du sens dans ma pratique, car quand je suis partie en formation, c'était juste après les deux premières vagues Covid, où on a été beaucoup à se questionner sur notre métier et c'est vrai que cela m'a redonné un élan.
Spécialisée en diabétologie, la native de région parisienne, Guadeloupéenne par sa mère et Martiniquaise par son père, a réussi cette transition professionnelle, ce qu'elle a su confirmer avec cette récompense.
Cela fait toujours plaisir, mais surtout ça montre qu'on a aussi un savoir scientifique qui peut être valorisé et reconnu. Dire que l'on fait des choses c'est bien, mais prouver que ce qu'on fait apporte quelque chose au patient, c'est mieux.
Des travaux qui peuvent intéresser aux Antilles
Mais est-ce un hasard si cette Antillaise d'origine a choisi de se pencher sur une pathologie dont la prévalence dans nos territoires est l'une des plus élevées de France ? Sans doute pas...
Ma grand-mère était diabétique et est devenue aveugle, donc je pense qu'inconsciemment, il y avait de cela. Après, c'est le destin, on m'a proposé ce poste-là et j'y suis restée.
Le domaine est quoiqu'il en soit porteur pour la pratique avancée, d'autant que cela répond aussi à un enjeu de société sous nos latitudes, celui de l'accompagnement des aînés selon Florence Guitteaud.
Le diabète, plus on vieillit, plus on développe des complications et plus on a besoin de voir des spécialistes. L'infirmière de pratique avancée peut accompagner ce parcours de soin.
Forte de cette expérience et de cette belle reconnaissance, l'infirmière en pratique avancée antillaise ne cache pas qu'elle aimerait beaucoup organiser des échanges avec les îles d'origine de ses parents sur ce sujet, d'autant que selon elle, il y a encore beaucoup de fausses idées à déconstruire autour du diabète aux Antilles.
C'est inconscient, mais quand on a quelqu'un de la même origine que nous, on a l'impression que son discours a une autre valeur. Le diabète, ce n'est pas une fatalité. On peut vivre avec, il faut le prendre en charge et quand on est bien équilibré, on retarde les complications. Être diabétique, ce n'est pas que devenir aveugle, être amputé ou être dialysé, heureusement, mais il faut se faire accompagner. Je pense que les IPA ont toute leur place pour accompagner les patients pour bien comprendre les enjeux et surtout travailler sur les fausses croyances. L'histoire de nos parents, ce n'est pas notre histoire.
L'IPA, qu'est-ce que c'est ?
Inspirée de dispositifs existants au Québec notamment, l'Infirmier ou infirmière de pratique avancée (IPA) a été officiellement créé par décret en France en 2018. Selon le site du ministère de la Santé, la pratique avancée vise un double objectif : "améliorer l’accès aux soins ainsi que la qualité des parcours des patients en réduisant la charge de travail des médecins sur des pathologies ciblées". Par ailleurs, elle permet aux infirmiers et infirmières de monter en compétences avec la reconnaissance des acquis de leur expérience professionnelle et davantage de responsabilités, notamment une possibilité de prescription encadrée.
Cinq champs professionnels ont été retenus dans la liste des pratiques où peuvent intervenir les IPA. Il s'agit des pathologies chroniques stabilisées et des polypathologies courantes en soins primaires, de l’oncologie et l’hémato-oncologie, de la maladie rénale chronique, la dialyse et la transplantation rénale, de la psychiatrie et la santé mentale et enfin des urgences.
En plus d'un minimum de trois années d'expérience professionnelle, l'IPA devra valider un diplôme d'État de grade master minimum pour obtenir ce statut. Florence Guitteaud nous a expliqué ce que changeaient ces nouvelles fonctions dans son exercice professionnel.
Moi je travaille en pathologie chronique stabilisée et on accompagne les patients sur tous les versants de leur maladie. C'est une approche très holistique de la personne soignée, mais on reste infirmière, on n'est pas là pour remplacer le médecin, ça libère du temps, mais on va surtout parler de choses qui peuvent bloquer les patients dans la gestion de leur maladie. Quand on voit les patients très régulièrement, on peut avancer plus vite, donc tout le monde gagne du temps. Le médecin gagne du temps, mais surtout le patient qui gagne en qualité de vie et en gestion de sa maladie.