Garantie décennale : le parcours du combattant pour les entreprises du BTP

Dans le BTP, les constructeurs ont l'obligation de souscrire une assurance de responsabilité civile décennale. Elle garantit la réparation des dommages qui apparaissent après la réception des travaux et concerne aussi les travaux de rénovation. Et cela, pour une période de 10 ans.

Mais depuis plusieurs mois, les assureurs locaux se font prier pour en délivrer. Ce qui impacte lourdement les entreprises du secteur, mais aussi les clients.

Des travaux à l’arrêt

Cela fait maintenant trois ans que Mathieu et sa compagne rêvent de leur maison, mais le chantier, lui, est toujours à l'arrêt. Les travaux ont débuté en 2021, au mois de septembre. Différents problèmes se sont posés avec l'entrepreneur et il a fallu en changer. Cependant, depuis, ils n'ont pas réussi à trouver de nouvelles entreprises capables de fournir cette fameuse assurance. Il témoigne :

Bon nombre d'entreprises qui souhaitaient reprendre notre chantier n'avait pas de décennales, soit de décennale à jour ou soit de décennale à la date d'ouverture du chantier, à savoir au 1ᵉʳ septembre 2021. Du coup, cela fait plus de huit mois que nous recherchons une entreprise qui puisse reprendre le marché du gros œuvre.

Un cahier des charges à respecter

Une réalité que confirme Jean-Yves Bonnaire, secrétaire général du Syndicat des entreprises du BTP. Certains professionnels martiniquais d'ailleurs se tournent vers l'étranger.

Dans l'espace européen, il faut être très prudent sur cette démarche parce que la garantie décennale étant une spécialité française, les règlements qui s'appliquent et les contraintes qui s'appliquent ne sont pas toujours maîtrisés par les assureurs étrangers.

Comment expliquer cette situation ? Les assureurs de la place sont- ils devenus plus frileux pour accorder cette garantie aux entreprises du BTP ? Selon René Coconier, responsable Antilles-Guyane de la SMABTP, leader du marché, ce n’est pas forcément le cas.

Il faut que l'entreprise nous apporte suffisamment d'éléments pour justifier de compétences pour exercer ces activités en respectant la réglementation française, mais qui est nécessaire parce qu'il faut le rappeler, on est quand même dans une zone sismique, cyclonique. On a tous les aléas « naturels », donc il est nécessaire de bien construire pour être sûr que la pérennité des bâtiments soit assurée.

Une méfiance accrue qui s'explique aussi par la liquidation de l'un des anciens acteurs du secteur aux Antilles-Guyane, acteur majeur à l'époque, l'assureur SFS Europe. Liquidée en 2018, la société avait vu ses contrats souscrits résilier dès le mois de septembre 2020. Trois ans plus tard, cette liquidation continue à impacter le fonctionnement du marché local.