Jean-Claude Naimro : premier concert solo à Tropiques Atrium
C'était un pari dont lui-même n'était pas convaincu au départ. Finalement, il aurait eu tort de se priver. Le premier concert solo de Jean-Claude Naimro en Martinique se joue à guichet fermé le 10 février. Une seconde date a été ouverte, la veille, le 09 février et il ne reste plus que quelques places. Le pianiste emblématique du groupe Kassav a accordé un entretien en toute intimité à Erika Govindoorazoo.
Erika Govindoorazoo : Jean-Claude Naimro, merci de nous accueillir chez vous, on est dans la cuisine et dans cette cuisine les murs sont tapissés de disques d'or...
Les disques de platine et d'argent qui ont jonché toute notre carrière, ce qui ne me rajeunit pas. Et puis il y a aussi Peter Gabriel. Il y a Philippe Laville par-là, "collé serré". Et il y a aussi des trésors à droite à gauche. Le Chevalier des Arts et des Lettres derrière aussi. Mais je n'ai pas l'habitude de me vanter de ces choses parce que pour moi, c'est pas important. C'est ce que j'ai l'habitude de dire, c'est ce que je vais faire demain. Ce qui est fait est fait.
EG : C'est un petit écrin dans cette maison en Martinique. Vous vivez plus à Paris qu'en Martinique. Est-ce que c'était important de les laisser ici ?
J'ai choisi de les mettre là parce que ma fille vit ici. Et puis si ça peut, quand elle se lève le matin, lui permettre de voir tout le travail accompli par son père, parce que je n'ai pas eu le temps d'être à ses côtés quand elle est née, ni quand elle a grandi.
EG: Il y a Jean-Claude Naimro avec Kassav et puis il y a Jean-Claude Naimro en solo et même avant Kassav, il y a eu une vie intense...
Oui, parce que qaund je suis entré dans le groupe, j'avais déjà plus d'une trentaine d'années et j'ai eu l'occasion de travailler avec des têtes d'affiche comme Manu Dibango, Miriam Makeba et bien d'autres. Et grâce à tout ce travail en amont, Jacob m'a demandé de rentrer dans le groupe.
EG : Il y a eu ce travail avec l'Afrique, avec Manu Dibango, avec Miriam Makeba qui est sud-africaine. Il y a eu aussi des artistes de chanson française. Et puis une énorme tournée, une tournée mondiale avec Peter Gabriel...
Effectivement, j'ai travaillé avec quelques français comme Fugain, Eddy Mitchell, etc. Et lorsque s'est présentée la tournée de Gabriel, je n'ai pas hésité longtemps. En fait, j'ai dit non une première fois parce que j'avais Kassav, mais deux, trois mois après, il m'a rappelé pour me demander si j'étais enfin libre et je suis parti plus d'un an avec lui.
EG : Qu'est-ce que vous retenez de cette tournée avec Peter Gabriel ?
Que du bien, de la rigueur anglaise et connue à travers le monde. Donc moi qui avait une tendance à être rigoureux, je n'ai fait que comprendre encore plus ce qu'était vraiment la rigueur. Et pas seulement parce que je me suis retrouvé à être le seul francophone avec Manu Katché, qui avait 80 personnes qui bossaient sur la tournée, donc à parfaire mon anglais. J'ai eu beaucoup d'amitié pour cet homme qui est d'une simplicité rare tout en étant un monstre de la musique anglaise. Mais pendant un an et demi, j'ai parcouru le monde avec Gabriel sans me poser de questions parce que c'était, comme on dit souvent, une proposition qui ne se refuse pas. Et puis je suis rentré. J'ai réalisé que le groupe, sa tournée, même s'ils m'avaient proposé de rester, ça aurait été non, parce que c'est pas ma musique, c'est pas mon univers et j'ai pas envie de vivre à Londres. Et puis Kassav, ça c'est mon groupe. J'appartiens corps et âme à un groupe. Moi j'ai une fonction dans le groupe qui était celle d'être un peu chef d'orchestre. J'aime pas ce mot-là, mais coordinateur des répétitions, des enchaînements, des medley, je faisais un peu ce travail là avec Philippe Joseph d'ailleurs, en amont.
EG : Un peu le métier de directeur artistique, c'est ça ?
Directeur artistique, ce n'est pas tout à fait ce rôle-là. Par exemple, sur ma tournée Digital Tour, c'est Tony Chasseur, c'est-à-dire quelqu'un qui a des fonctions qui sont extra-musicales, mais dans le sens où il va bien s'occuper des per diem, des musiciens, il va s'occuper des contrats, il va s'occuper des heures, des répétitions, des voitures, des sponsors et tout ça. Moi, dans Kassav, c'est plutôt un rôle de coordination entre les musiciens, même les choristes, le groupe qui est derrière nous avec le manager et le régisseur, savoir à quelle heure on met les répétitions, qu'est-ce qu'on répète aujourd'hui. Les chœurs, ils vont répéter un peu plus tard, les cuivres venir après, quel artifice on va mettre sur scène quand on a fait le stade de France ou le Zénith...
EG : Quelles grandes décisions ont été prises dans ce rôle-là? Par exemple, est-ce que vous vous rappelez de concerts importants? Comment on fait ces choix-là ?
C'est des propositions. Quand on a fait le Stade de France, par exemple, j'ai réfléchi à une idée que j'avais depuis des années, c'était de faire un char, puisque les deux choses qui nous caractérise le plus à mon sens, aux Antilles, en Martinique en tout cas, et en Guadeloupe, c'est le carnaval et les yoles. Je voulais faire un char, rentrer dans le Zénith. Je me suis dit qui dit char dit on va monter sur le char vu qu'on est que les gens vont être loin de la scène, ils vont nous voir un tout petit peu pourquoi pas imaginer qu'on fera le tour d'abord des 400 mètres sur un char, ce qui nous relie avec le carnaval. Les gens autour du stade pourront nous prendre en photo en vidéo, ce sera sympa pour eux. Et j'ai poussé l'idée à me dire tiens, comme on sortait de la grosse grève de 2009, pourquoi pas faire Akiyo faire ce tour-là avec nous ? Ce qui deviendrait un vrai symbole et ce serait vraiment génial pour tout le monde.
EG : Kassav, c'est une aventure merveilleuse et un peu douloureuse aussi avec les départs de certains musiciens. Comment est ce que le groupe se remet ? Comment est-ce que Jean-Claude Naimro se remet tout ça ?
On se remet pas...
EG : C'était des personnes qui faisaient partie de votre quotidien, notamment Jacob...
Jacob, j'en parle tous les jours. Je me mets des fois à même me demander qu'est-ce que tu aurais fait Jacob ? Pour moi, il est là. C'était quelqu'un que je respectais énormément. J'ai du mal à m'en remettre. Il ne faut pas oublier que 40 ans dans un groupe, c'est plus que sa propre famille. Je suis plus souvent avec le groupe qu'avec ma femme ou avec ma fille, ou avec les amis intimes, donc c'est plus précieux le départ de ces gens-là pour moi que même des gens de ma famille comme ma tante . Parce que même si on ne se voit pas tous les jours, il n'y a pas un moment où on ne s'appelle pas pour se dire bon, il faut faire ci, faut faire ça pendant 40 ans.
EG : Et Kassav continue, Kassav poursuit sa route. Par exemple, au festival de Sainte Lucie où vous êtes programmés...
Bien sûr, notre manager travaille d'arrache-pied pour faire perdurer ce groupe, même avec ses absences. Il nous a proposé dans un premier temps de commencer l'année 2023 avec ce concert, parce que ça nous sert de concert de lancement pour voir comment les choses sans Jacob se font, avec quel guitariste, avec quels invités. Et puis petit à petit, c'est comme un avion qui reprend son envol. On va voir des scènes plus importantes, comment on les gère et avec qui on les gère.
EG : Aujourd'hui, vous nous revenez avec un concert solo, le premier en votre nom ici en Martinique. Qu'est ce que ça représente pour vous ?
Énormément de choses parce qu'on dit souvent que nul n'est prophète dans son pays et c'est souvent vrai. On l'a expérimenté, si je peux m'exprimer ainsi. C'est un ensemble de choses qu'on a , mes musiciens, mon chef d'orchestre et moi, beaucoup pensé avant parce que je n'avais pas envie de faire un défilé des titres tels qu'ils sont dans les albums et puis voilà, merci, au revoir. J'avais envie, pour une fois que je me produis en solo, d'amener une touche personnelle sur chaque titre.
J'avais en plus envie d'avoir des invités bien précis. J'aime dire qu'il faut mélanger les générations. C'est ce qui explique qu'il y ait la présence de, par exemple Jocelyne qui est du groupe, Tony Chasseur qui est une génération après Kassav on va dire, et puis des petits jeunes. J'ai choisi Greg de Ji Kann. Il y a des titres que les gens vont découvrir que je n'ai jamais chantés moi-même. Donc je me suis fait un devoir de présenter, je pense, un spectacle qui a de la teneur, qui va plaire j'espère aux gens.
Jean-Claude Naimro Digital Tour les 9 et 10 février à Tropiques Atrium Salle Aimé Césaire
Piano, claviers, chant : Jean-Claude Naimro
Batterie : Lawrence Clais
Percussions : Bago
Guitare : Alex Cabit
Basse : Mike Clinton
Chef d’orchestre et claviers : Didier Davidas
Trompette : Alain Ravaud
Saxophone : Jean-Philippe Meyniac
Chœurs : Cindy Marthely, Claudine Pennont
Invités : Ralph Thamar, Jocelyne Béroard, Greg’z, Tony Chasseur, Chorale R’Nold Aglaé