Fret, taxes : que pèsent les coûts d'importation dans la constitution des prix en Martinique ?
La forte hausse des prix en Martinique est portée par un conjoncture mondiale. Pourtant, des leviers pourraient être activés pour amortir cette envolée des prix.
Le dossier de la vie chère est depuis longtemps au centre des conversations en Martinique. Néanmoins, la hausse des prix s'est accentuée ces derniers mois à la faveur de la crise sanitaire et de la guerre. À tel point que la CTM a pris l’initiative de mettre en place une opération qui viserait à faire baisser le prix d’au moins 1000 produits.
Avant d’aborder les contours de cette opération la rédaction de RCI a décidé de se pencher sur les frais liés à l’achat de marchandise dans l’hexagone avant d’arriver chez nous. Dans la grande distribution, on annonce un coût supplémentaire compris entre 45 et 50%.
Dans le détail, une marchandise qui part du dépôt du fournisseur, pour arriver sur l’un des ports de France et être embarquée sur un bateau pour la Martinique, voit déjà son prix augmenter de 4 à 5% par rapport au prix d’achat pour les frais de transport et de manutention.
Il faut ensuite payer le fret, entre l’Hexagone et Fort-de-France (entre 8 et 12% de frais supplémentaires) puis payer ensuite l’Octroi de mer. Cette taxe peut représenter 30 à 35% de la valeur de départ de la marchandise. Les importateurs doivent régler le débarquement des conteneurs sur le port de Fort-de-France qui serait le port "le plus cher de France" souffle-t-on en coulisse. Les grandes surfaces doivent enfin s'affranchir de frais pour faire récupérer ces conteneurs. L'ensemble de cette chaîne de coûts représenterait 50 à 100% de frais supplémentaires de plus sur le prix départ de la France.
Le kilo de pomme de terre
Prenons l'exemple d’un kilo de pommes de terre. À l'achat dans l'Hexagone, il coûte 34 centimes d’euros au départ. Au départ un conteneur (20 pieds) de cette pomme de terre coûte 6800 euros. Il faut y ajouter 4800 euros de fret, l'octroi de mer import et l'octroi de mer régional de l’ordre de 10%. Cela représente 1100 euros de taxes.
Le conteneur qui a été payé 6800 euros pour les pommes de terre revient finalement 12700 euros. Et ce n’est pas fini. Arrivé sur le port, il faut ajouter environ 300 euros pour la manutention et 250 euros pour le transport du port vers le magasin. Au final le conteneur a coûté 13250 euros. Le prix de 34 centimes le kilo prix au départ se transforme en 67 centimes le kilo, soit le double. S'aditionne en bout de course, la marge du commerçant. le commerçant n’a pas encore placé sa marge.
C’est sur cet ultime levier que Serge Letchimy, président du conseil exécutif de la CTM, espère obtenir de l’état un blocage de ces marges et des prix pour soulager le porte monnaie du consommateur.
La grande distribution fustige les taxes
Le sujet qui revient chaque fois que les prix augmentent. Dans le viseur, il y a notamment les coûts du fret de la CMA-CGM. Les distributeurs gardent en tête l'idée de voir l’armateur français baisser ses coûts qui sont indexés sur les marchés internationaux du transport où le prix du conteneur s'est envolé depuis 2020. La faute à la fermeture de certains ports ou encore à la forte de demande de produits manufacturés.
L'autre espoir repose sur le fait que l’Etat mette en place une aide au fret. Ce dossier avait été évoqué à la fin de la mandature de Nicolas Sarkozy (2012), mais il n’a pas été repris.
Du côté de la CMA-CGM on évoque peu l'idée d'un geste commercial. Pourtant, l’armateur français a quand même profité, à plein, de la surchauffe du transport maritime l’an dernier. Il a multiplié son bénéfice net par dix l’an dernier pour atteindre l’impressionnante somme de 18 milliards de dollars.
C’est ce qui fait dire à la grande distribution que la CGM, l’état, avec une aide au fret, et la CTM vont devoir faire un effort pour faire réussir cette baisse des prix. La CTM serait d’ailleurs prête à faire cette effort sur l’octroi de mer pour un montant d’environ 2 millions d’euros.
Concernant l'aide au fret, les importateurs prennent l'exemple de la Corse. Dans le cadre de la continuité territoriale, l’état verse une enveloppe de 173 millions d’euros pour financer entre autre, cette aide au fret.
Quelles pistes pour une baisse des prix ?
Néanmoins, la grande distribution assure qu'elle tente de trouver des pistes pour faire baisser les prix. Elle regarde attentivement l'initiative de la CTM. L'institution a manifesté sa volonté de faire baisser les prix d’au moins 1000 produits. Les prix de l’alimentation, en passant par les matériaux de construction, comme la téléphonie et le carburant sont concernés.
En attendant de trouver un accord avec la CTM sur sa démarche, la grande distribution explore une liste d’une centaine de produits de première nécessité : comme les pâtes, la farine, le riz, l’huile, le savon, les lentilles, les sardines, le poulet surgelé, les côtes de porc surgelées, le poisson, etc. pour aider les gens à faibles moyens et réduire le différentiel des prix entre la France et les Outremer.
C’est un travail qui a été initié mais qui est loin d'aboutir. Pour y parvenir, les gros importateurs attendent l'implication de la CTM, des socio-professionnels, des industriels, des producteurs, de l'association des consommateurs et de l'Etat.
Or, les deux candidats qualifiés pour le second tour l'élection présidentielle n'ont pas dit un seul mot lors du débat, sur la méthode qu'ils mettraient en place pour faire baisser les prix dans nos territoires.
Pour les acteurs de la consommation, si l'Etat met en place cette aide au Fret dans le cadre de la continuité territoriale, le secteur prendrait alors une sérieuse option pour réduire les surcoûts dus à l’éloignement et réduire également le différentiel de la cherté de la vie dans les outremer. Des aides européennes devraient pouvoir être obtenues aussi. Peut être que c’est à ce moment-là que toute la force de la devise de la France « Liberté, Egalité, Fraternité » sera enfin appliquée chez nous.