Les accras, stars du Vendredi Saint
Ce vendredi après-midi, la Martinique aura les doigts gras. En effet, aux quatre coins de l'île, les familles dégusteront des accras tout juste sortis de leur huile de friture. Une tradition.
C'est la tradition. Deux choses sont immuables un vendredi saint en Martinique. Le chemin de croix et les accras. Après la pénitence matinale, place à la pitance.
Même si elle doit être maigre, en ce jour de la mort du christ pour les catholiques, c'est dans l'huile chaude - et de plus en chère - que barbotent les beignets salés que sont les accras.
De la farine, de l'eau, des épices, du bicarbonate de soude, un oeuf servent de base à la pâte. On y ajoute alors des légumes (chou, carotte), de la morue ou des crevettes.
Visité par Yvonne Guilon cette semaine, Patrick Pijulet, chef au restaurant le Deck, a confié sa petite astuce pour modifier une recette très ancrée dans la tradition.
Pour ajouter une peu de fraîcheur, j''y met du zest de citron vert. C'est important. Mais c'est tout parce que c'est très difficile de modifier la recette des accras
Néanmoins, tout le monde n'a pas le temps ou la présence d'esprit de réunir les ingrédients nécessaire à la rupture du dernier vendredi de jeûne du Carême. Dans une Martinique où les rideaux sont baissés, seuls vendeurs d'accras accueillent ceux qui tiennent à respecter la tradition en échange de quelques euros.
Il fallait voir la queue ce vendredi matin devant les deux échoppes de fortune installés à la Croix Mission à l’extrémité nord du boulevard du Général de Gaulle. Les accras se vendaient comme des petits pains sous un soleil de plomb. Un pénitence acceptée en silence par les clients. Ainsi soit il semblaient-ils se dire.
"Le monsieur veut quoi ? Morues et légumes ? Ha il va falloir attendre", répétait inlassablement la vendeuse disciplinée et occupée à remplir des petits sachets tâchés immédiatement par la graisse d'après cuisson.
Isabelle Hamot quant à elle s'est rendue au Festival des accras de la boulangerie Magit à Redoute. Là encore, une queue de patients gourmands. Les effluves de friture mettaient aussi à l'épreuve ceux venus simplement acheter leur pain quotidien.
Ecoutez son reportage :
Avant de vous lancer dans la dégustation sur les coups de 15 heures, l'auteur de ces lignes vous suggère un petit conseil. En prévision du samedi gloria, il vous recommande d'envelopper quelques accras (6 ou 7 pour une personne) dans un morceau de papier aluminium.
Le précieux paquet doit ensuite être placé au réfrigérateur toute la nuit. Au réveil, rendez-vous à la boulangerie pour faire l'acquisition d'un gros pain frais. Sortez les accras du réfrigérateur et laissez les s’accommoder de la température ambiante. Avec les doigts ou un couteau, rompre le pain, le fendre dans le sens de la longueur. Il faut ensuite y placer délicatement les accras, accompagnés d'une feuille de laitue.
De l'avis du public et de l'auteur, il convient d'ajouter un peu de vinaigrette à l'ensemble ainsi que pour les plus téméraires, quelques gouttes de piment confit.
La dégustation tutoie alors le divin, bien normal en ce week-end de Paques.