Léon Bertrand, ancien maire, député et secrétaire d'état guyanais, était l'invité de la rédaction
Suite de notre tour des Domiens qui ont siégé au gouvernement. Comment ont-ils été nommés ? Qu'ont-ils pu accomplir ? Que deviennent-ils ?
L'homme politique se présente comme un simple retraité bien qu'il semble déborder d'activités : musicien amateur, auteur d'un livre en cours sur son parcours politique et judiciaire, il donne aussi des cours d'alphabétisation au Secours catholique, s'occupe de son jardin, fait un peu de sport et répond toujours avec plaisir aux gens qui viennent lui demander conseil ici et là.
Le grand public en dehors de la Guyane se souvient cependant surtout de lui pour son passage au gouvernement, de 2002 à 2007, en tant que Secrétaire d'état en charge du Tourisme.
J'ai croisé Jacques Chirac bien avant d'être dans la politique. Un jour, il est venu à Saint-Laurent-du-Maroni en sa qualité de ministre de l'Agriculture. Et comme j'étais déjà musicien, on m'appelait souvent pour venir brancher la sono et d'autres éléments du genre ! C'est ensuite que je suis devenu conseiller général et maire, puis que je suis rentré au RPR. A partir de là, nous avons eu de nombreux contacts.
En effet, Léon Bertrand côtoiera ensuite Jacques Chirac à la mairie de Paris jusqu'à ce qu'il reçoive un certain coup de fil, la veille d'une élection de député :
Jacques Chirac m'annonce que je suis le moins pire des ultramarins qu'il peut nommer au gouvernement et souhaite donc me proposer quelque chose. Il m'a annoncé ça comme ça ! Quelques jours après, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin me confirme qu'ils ont décidé de me nommer au Tourisme.
Une expérience qui aurait montré à Léon Bertrand l'envers du décor de la République, et qui a profondément marqué sa vie politique.
Il est par ailleurs maire de Saint-Laurent-du-Maroni et va bénéficier d'un rare privilège : l'autorisation de conserver sa mairie et son poste de Secrétaire d'état. Très attaché à sa ville, le Guyanais se serait dit prêt à abandonner sa place au gouvernement pour la conserver.
Tous les sept mois, je revenais trois ou quatre jours à Saint-Laurent-du-Maroni pour pouvoir exercer ma mission de maire et de président de la Communauté de communes de l'Ouest Guyanais.
Au-delà des grincements de dents de ses homologues hexagonaux face à ce passe-droit, l'homme politique conserve un regard très lucide sur la vision que ces derniers se faisaient, et pour beaucoup se font encore, de l'Outre-mer :
On est encore souvent considéré comme des territoires lointains qui profitent des bienfaits de la France. Or, quand on fait le bilan de ce que la Guyane donne et reçoit, on se rend compte qu'on perd énormément. Beaucoup d'élus hexagonaux ne s'en rendent pas compte. C'est sans doute pareil pour la Martinique et la Guadeloupe. C'est d'ailleurs en partie ce qui explique le malaise qui traverse l'Outremer actuellement.
S'il n'était pas spécifiquement en charge de l'Outre-mer, Léon Bertrand a toujours eu les intérêts de son département à coeur et réussit à débloquer 500 millions d'euros pour un plan de développement de la Guyane durant son passage au gouvernement.
La fin de sa carrière politique sera toutefois quelque peu ternie par des ennuis avec la Justice dans une affaire de marché public : ce sont les affaires de la communauté des communes de l’Ouest de la Guyane, en 2018.
Retrouvez l'entretien de Jean-Marc Pulvar avec Léon Bertrand dans sa version intégrale ci-après :