Ousmane Diarra : quand une plume enchantée et révoltée rencontre la Martinique
Le poète et écrivain malien Ousmane Diarra est en Martinique jusqu'à la semaine prochaine. S'il est l'invité du lycée Joseph Gaillard, à Fort-de-France, pour une résidence d'écriture et d'échanges avec les élèves, l'auteur doit également rencontrer des collégiens et le grand public, notamment à la librairie Kazabul. Un passage à la Maison Aimé Césaire est également prévu durant son séjour, soutenu par l'Académie et le Ministère de la Culture.
Ce mercredi matin, pour ce premier jour de résidence, Ousmane Diarra a dialogué avec des élèves de seconde, sous la houlette de la Professeur, organisatrice de l'évènement.
Bibliothécaire à l’Institut français du Mali, l'écrivain, qui est aussi conteur, est particulièrement heureux de découvrir la Martinique. Un territoire dont il avait, bien sûr, déjà entendu parler et qu'il a toujours associé au Chantre de la Négritude, cet important mouvement littéraire, qui fut aussi le courant à l'origine d'une véritable épiphanie poétique, créé par Aimé Césaire, Léopold Sedar Senghor et Léon Gontran Damas.
En effet,l'opposant politique, à la prose acérée, retient de la négritude la réhabilitation de l'homme noir, lui insufflant la force de prendre en main son destin.
Né en 1960, à Bassala au Mali, diplômé de l’Ecole Normale Supérieure de Bamako d’une maîtrise de Lettres Modernes, il a enseigné le français pendant deux ans et est l'auteur de nombreuses et de plusieurs romans.
Dans sa littérature, Ousmane Diarra propose le récit d'un continent et de ses conflits mais il met aussi en lumière et interroge le tumulte du monde moderne.
En 2013, notamment, alors que le Mali est à feu et à sang, face à ce que l'actualité nomme "la crise malienne", l'auteur écrit le roman "La route des clameurs". Il y dépeint l'horreur qui s'abat sur son pays, à travers le regard d'un enfant, enrôlé malgré lui dans le Jihad, dont le père n'a pour armes, que ses toiles et pinceaux.
Le texte est une ode à la résistance et à la paix, qui dénonce particulièrement l'obscurantisme et le fanatisme, questionnant l’instrumentalisation de l’Islam dans un contexte postcolonial.
Pour cet homme engagé, révolté mais aussi rempli d'espoirs, séjourner sur la Terre d'Aimé Césaire est donc enthousiasmant.
Pouvoir de la littérature pour dire le Monde
C'est l'un des thèmes sur lequel, Ousmane Diarra a échangé avec les élèves, ce mercredi:
Quand j'ai appris à lire, j'ai compris que les limites du monde ne sont pas celles de mon village. Qu'ailleurs, il y a des civilisations et des cultures, aussi riches. C'est aussi cette littérature d'ailleurs, comme celle d'Aimé Césaire, pour nous, qui nous a poussé à nous battre pour renverser le régime dictatorial du Président Moussa Traoré, en 1991. Je pense donc que la littérature est une force, même sous des régimes qui nient la liberté, ça rapproche les peuples les uns des autres.
A l'origine de cette venue, une professeure de français du lycée Joseph Gaillard, situé à Bellevue, à Fort-de-France.
Pierrette Leti Palix a, en effet, remué ciel et terre pour que le voyage s'organise:
J'ai rencontré Ousmane Diarra au Mali, en 2018. Il défend la tolérance et l'ouverture à l'autre. Vivant sur une île, j'ai trouvé intéressant d'inviter celui qui fait de son écriture, un espace de liberté.
Aborder des thématiques générales, à travers le regard de l'autre, celui d'un étranger voyageant depuis un autre continent est un pari qui a plu aux jeunes martiniquais. Ils sont restés curieux et attentifs au discours de l'écrivain.
Avant son départ, la semaine prochaine, Ousmane Diarra prévoit de visiter la Maison d'Aimé Césaire et l'espace muséal. Il tient également à se rendre dans le Nord Atlantique, pour y regarder la mer, celle qui a aussi beaucoup nourri l'inspiration d'Aimé Césaire.