"Freda" de Gessica Geneus : un film sous forme d'une ode à la réalité haïtienne
Le film "Freda" de la réalisatrice Gessica Geneus s'offre telle une véritable ode féministe à la réalité haïtienne. Un chef d'œuvre désormais reconnu internationalement et qui a conquis le public de Tropiques Atrium hier soir (dimanche 24 octobre) lors de sa projection.
Une ode à la réalité haïtienne
Le film de Gessica Geneus affiche un impressionnant palmarès. Officiellement sélectionné dans la catégorie d'un Certain regard, au festival de Cannes, ce long-métrage haïtien a décroché samedi dernier l'étalon d'argent au 27e Fespaco, le festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou. Un prix assorti de celui du meilleur son décroché par le mixeur martiniquais Joel Rangon
Hier, sa projection a déclenché une véritable standing ovation à la salle Frantz Fanon de Tropiques Atrium, dans le cadre du festival Première Lumière.
Un accueil unanime pour ce long métrage intégralement en créole haïtien, dont la réalisatrice Gessica Geneus, elle-même haïtienne et vivant toujours dans son pays, est très touchée :
Après tout le travail qui a été déployé pour que ce film se fasse dans des conditions très difficiles en Haïti, avec tout les techniciens qui se sont mis en branle pour que ce film existe, c'est le souhait que ce film soit en mesure de rejoindre le public. Et que ça arrive, c'est vraiment un bonheur
Tourné en 2018, le film plonge le spectateur dans Haïti tel que le pays est aujourd'hui, à la frontière entre la fiction et la documentaire. Car le choix délibéré de la réalisatrice est également de tourner son objectif vers les manifestations de la population haïtienne. Un choix qui mène à des conditions de tournage particulièrement rudes :
C'est un réel contrôlé et documentaire, car tout ce qui existe dans Freda, il n'y a pas de distorsion de la réalité. Il y a un scénario qui a été écrit, pour permettre une chronologie, et pour filmer dans un temps donné. Parce que c'est tellement difficile de filmer en Haïti que filmer intégralement en documentaire cette histoire, cela m'aurait pris un temps que je ne pouvais pas m'octroyer par rapport à la situation sociale du pays
Un tournage dans un contexte social difficile. Car depuis 4 ans, la situation reste extrêmement tendue dans le pays
Déjà, il y avait des manifestations tous les jours. Même pendant mon repérage, il y avait des pneus brûlés partout, des coups de feu. On a tout fait pour que les gens soient protégés. On dormait dans un appartement tous ensemble
La réalisatrice, qui travaille sur un deuxième long-métrage, reste concentrée sur l'aboutissement de ses projets, tout en s'adaptant aux circonstances :
De toutes façons, à tout moment on appréhende, que ce soit pour faire un film ou pour faire n'importe quoi aujourd'hui. Mais je pense qu'on a développer aussi cette résilience où on fait malgré tout
Un film féministe
Car "Freda" est un véritable film féministe, éponyme du personnage principal, portant le nom d'une divinité du panthéon vaudou. Un féminisme qui laisse également une large présence à l'homme, et à sa capacité à délivrer des messages d'amour sincère :
Le patriarcat handicape aussi l'homme, il handicape les deux, il n'y a personne qui s'en sort. Peut-être qu'il y en a un qui domine socialement mais humainement, les deux sont en faiblesse. Cette interdiction d'exprimer ce qu'on ressens, de pleurer face à sa copine, parce que ça atteint sa masculinité, ce ne sont que des choses toxiques
L'accent est ainsi mis sur l'importance à laisser exister la masculinité et la féminité ensemble en chaque individu. Une richesse et une flexibilité qui établirait de meilleures relations entre les personnes, selon la réalisatrice.