Pointe-à-Pitre : des graffeurs dans la Ville
Le World Kreol Art festival bat son plein. Du 3 au 25 mai, à coup de bombes de peinture, les graffeurs recolonisent des dents creuses, des murs ainsi que des maisons.
Une soixantaine de graffeurs sont actuellement en pleine opération de création et s'en donnent à cœur joie sur les murs de certains quartiers pointois. Dubouchage, rue Raspail, Carénage, et bientôt Fond Laugier. Tous enclins à coloniser de leur patte un mur, la façade d'une maison, un pont. L'occasion pour eux également de montrer tout en mettant le mettant en scène, leur savoir-faire. Al Pacman est l'instigateur de cette opération de mise en couleurs de cette partie historique des quartiers pointois.
Certains sont venus de l'hexagone. Treize au total. Tous les autres, sont des locaux.
Lin C, graffeuse à pied d'œuvre à l'angle de la rue Raspail, croise une connaissance qui ne savait pas qu'elle était graffeuse. Il sourit. elle aussi. Elle est psychologue pour enfant.
"Il est éducateur dans le milieu scolaire et j'ai dû le former et là il me voit en train de graffer", plaisante Lin C.
Puis, l'artiste explique son but créatif
" Je fais un visage et il va souffler des petits bateaux et il y a une inscription tagguée qui invite au voyage car on n'est pas loin de la mer". Derrière la feuille de tôle, par un petit trou, un œil perçant observe Lin C puis une petite main sort entre les feuilles métalliques qui servent de rempart entre la maison et la rue. Lin C lui sert la main. Des rires d'enfants se font entendre avec un petit "Bonjour".
"Ils sont contents de voir qu'on met de la couleur", confie l'artiste. Même topo au niveau de la rue Vatable.
Graffe-moi un chien-cabri
Un peu plus loin, au Bas de la Source, en face de l'entrée du Mémorial Acte, c'est B.Bird qui a pris possession d'une maison abandonnée. Un personnage monumental tient un poisson entre les mains. Un chien-cabri tout droit sorti de son bestiaire tout personnel tente de l'attraper. Les fenêtres de la maison sont des yeux. B.Bird a dû utiliser la nacelle mais maintenant il peaufine les détails au ras du sol.
Son voisin, Nuxuno Xan, spécialisé dans les fresques qui se fondent dans la végétation a choisi un local dont il a composé un visage d'enfant et les épis de verdure sur le toit sont autant de mèches de cheveux couronnant l'arrondi.
A l'intérieur, les propriétaires n'étaient pas au courant de l'initiative mais l'un dans l'autre, ça tombe bien pour eux, puisqu'ils confient qu'ils avaient demandé à un graffeur de remettre au goût du jour leur devanture et voilà que ceux-ci interviennent gratuitement.
Une femme à l'accent dominicain passe et complimente les œuvres, ainsi de suite les habitués observent l'évolution des travaux tous ces derniers jours. Beaucoup passent au ralenti en voyant les ébauches du début se transformer en coups de bombes affirmés. Ils passent en klaxonnant pour féliciter. Quant aux touristes qui se dirigent vers le Mémorial Acte, c'est un vrai terrain de jeu pour eux de croiser ces œuvres sur l'itinéraire qui mène du centre-ville jusqu'au Mémorial Acte. Ironie de l'histoire: quand Darboussier était encore en fonctionnement, la suie recouvrait tous les bâtiments pointois, englués dans l'atmosphère industrielle. Plusieurs décennies après sa fermeture, ce sont des ilots de couleurs qui fleurissent maintenant le long de la route qui mène au Mémorial. Une fabrique d'art et de mémoire qui remplace une fabrique de sucre.