Renfort de la sécurité en Martinique : des progrès mais encore un déficit de moyens
Quasiment un an après la signature du Contrat Territorial de Prévention et de Sécurité de la Martinique en présence de Gérald Darmanin, les différents acteurs ont dressé un premier bilan, hier (mercredi 8 janvier), lors du comité de suivi.

Le Contrat Territorial de Prévention et de Sécurité de la Martinique a été signé en mars dernier entre la préfecture, la CTM, la procureure de la République, l’association des maires et le CNAPS (Conseil National des Activités Privées de Sécurité), en présence du ministre de l’intérieur de l’époque, Gérald Darmanin.
Hier, tous les acteurs étaient réunis en préfecture pour faire un premier état des lieux, dans le cadre du comité stratégique de suivi.
Tous ont noté que les engagements pris ont été respectés : des « moyens de sécurité périmétrique du territoire », comme les radars maritimes ou les drones seront bel et bien installés dans les prochains mois, les actions de préventions de la délinquance ont été lancées, l’axe pénal s’est vu renforcé.
« On progresse »
Jean-Christophe Bouvier, le préfet de Martinique, s’en félicite, même s’il convient qu’il faut une mobilisation de tous pour juguler la violence sur le territoire…
Cette mobilisation paye parce que nous avons pu constater, et je ne vais pas rentrer dans les détails, une hausse significative des moyens mobilisés, que ce soit des moyens nautiques, des moyens d'investigation, des moyens de coopération régionale avec l'ambassade de France à Sainte-Lucie et des demandes d’extraditions qui commencent à porter leurs fruits. Mais nous sommes face à une réalité très violente, quotidienne, prégnante, en Martinique comme dans d'autres territoires de la zone. Il ne faut pas se satisfaire des sept tués pour 100 000 habitants que nous connaissons. Il faut les remettre dans le contexte, en apprécier l'origine. Une part importante provient des trafics : armes, stupéfiants. Une partie plus importante aussi provient des violences intrafamiliales. Je rappelle que les violences intrafamiliales en Martinique, c'est 90% des violences faites aux personnes. Et le reste, les 10%, ce sont les crimes liés au trafic de stupéfiants, d'armes et autres violences. Il faut travailler sur tous les leviers.
Le président du conseil exécutif, Serge Letchimy, estime que les progrès sont réels, quasiment un an après la signature du CTPSM.
On a prévu des radars en 2025 qui arrivent, qui seront installés. On a demandé des drones pour les côtes parce que les côtes étaient poreuses. Et puis, nous avons aussi demandé des renforcements parce qu'on sait que le trafic se fait en mer et que les saisies se font en mer. Quand on vous parle de 28 tonnes de cocaïne et de drogue saisies, ce n'est plus une petite quantité. Et puis, nous avons bien sûr tout un volet lié aux communes, renforcement de la vidéosurveillance, renforcement dans les écoles. Ce sont des investissements physiques pour empêcher. J'étais assez content d'entendre que ça avance sur le contrôle du port et de l’aéroport, pour moi, c'était fondamental. Donc, il y a des efforts très conséquents qui sont actuellement en cours parce que personnellement, je suis favorable à 100% de contrôles, y compris les individus, mais les conteneurs, le périmétrique, mais surtout les individus. Je pense que la dynamique qui est installée à travers ce contrat territorial entre l'État et nous. Il nous reste à travailler sur ce qu'on appelle la prévention et surtout la lutte anticipée contre la délinquance
Des moyens pour les municipalités, pour la justice
Le président de l’association des maires de Martinique, Justin Pamphile, estime que les élus ont toute leur place dans cette lutte pour davantage de sécurité. Il considère que le CTPSM permet un dialogue de « manière directe » entre les acteurs, et pas par communiqués de presse interposés.
Maintenant, nous avons besoin d'avoir des moyens. Quand on aborde la question de l'équipement de la police municipale, mais pas simplement au sens de la sécurité, quand la CAF intervient sur la question des espaces de vie sociale, on a besoin d'avoir des moyens nous permettant de mettre des éducateurs au-devant des personnes qui sont potentiellement susceptibles de vriller et faire bien que le travail de prévention se fasse, le travail de sécurisation également du territoire afin d’éviter que les personnes grandissent et ne se retrouvent dans des faits de délinquance beaucoup plus graves. C'est aussi ça le rôle d'une ville. Maintenant, il y a des choses qui nous dépassent : le narcotrafic, les 35 tonnes de cocaïne qui ont été saisies par la douane et par les services de la marine, montrent qu'il y a une urgence à accentuer ce travail de contrôle périmétrique de l'île pour éviter justement qu'on en soit dans une criminalité galopante et qui va devenir demain matin quelque chose de catastrophique pour le pays Martinique.
Le procureur général de la cour d’appel, Patrice Cambérou, reconnaît toutefois qu’il reste encore beaucoup à faire, notamment au niveau des moyens humains au niveau judiciaire.
Quand on regarde les autres tribunaux de l'Hexagone et même d'Outre-mer, on est plutôt bien doté au sens de la circulaire de localisation des emplois. Mais ça n'est pas suffisant car la criminalité organisée est en train d'augmenter. Ce n'est pas un scoop. Les trafics d'armes, les trafics d'êtres humains, les trafics de stupéfiants et bien sûr, le blanchiment d'argent, augmentent. Pour ce faire, moi, j'ai demandé à mon ministère, cinq magistrats en plus pour la juridiction d'un secteur régional spécialisé. Et, peut-être d'étudier la possibilité, dans le cadre de la réforme qui est en cours de rédaction par les instances chargées de lutter contre la criminalité organisée, d'avoir aussi des enquêteurs spécialisés au sein même du parquet. Nous verrons à quoi va aboutir la réforme, mais en réalité, nous n'avons pas assez de moyens humains. C'est en bonne voie. Nous avons été entendus par notre ministère, mais le chemin sera encore long. Et, si nous voulons lutter particulièrement contre les infractions économiques et financières liées au trafic, il nous faut des moyens supplémentaires.
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