Reconfinement : le remède de cheval qui passe mal en Martinique
La Martinique, comme l'Hexagone, est sous le coup d'un confinement, 7 mois après celui imposé entre mars et mai 2020. La mesure qui interdit les déplacements, sauf exception et surtout son application à la seule Martinique parmi les territoires d'outre-mer, n'est pas aussi bien acceptée que la première fois.
Le premier ministre Jean Castex a annoncé jeudi après-midi que le confinement serait à nouveau en vigueur sur tout le territoire national. Le chef du gouvernement a précisé que la Martinique était le seul territoire d'outre-mer qui subirait aussi cette mesure.
"À compter de ce soir minuit, le confinement sera décrété sur l’ensemble du territoire français, et jusqu’au 1er décembre a minima. Seule exception : pour les départements et territoires d’Outre-mer, où le virus circule moins vite, ce dispositif ne sera appliqué qu’à la Martinique", avait déclaré le locataire de Matignon.
Quelques heures plus tard, Stanislas Cazelles, préfet de la Martinique avait précisé les mesures qui seraient appliquées en Martinique à compter du 30 octobre 2020. Le confinement est entré en vigueur vendredi matin et pour trois semaines en Martinique, contre un mois en France hexagonale. Le représentant de l'Etat a fixé pour objectif de redescendre le nombre cas positifs par semaine à 200.
Si ce deuxième confinement paraît moins sévère que le premier avec notamment des autorisations explicites de continuité d'activité pour certains secteurs comme le BTP, l'annonce de la fermeture de commerces dits non-essentiel provoque un intense débat depuis 48 heures.
Dans l'Hexagone, certains maires ont signé des arrêtés permettant aux commerces non-essentiels de poursuivre leurs activités. Nombreux sont ceux qui évoquent une rupture d'égalité avec les grandes surfaces. Le gouvernement a d'ailleurs demandé aux enseignes de la grande distribution de fermer leurs rayons ne correspondant pas à des produits de première nécessité.
En Martinique, c'est dans les bars et les restaurants que la colère s'est d'abord fait entendre. Au centre-ville de Fort-de-France, par exemple, le responsable du Vieux Foyal a maintenu son bar-restaurant ouvert vendredi soir. Un acte annoncé et revendiqué par Luc Labonne, le gérant des lieux. Le restaurateur a indiqué qu'il resterait ouvert tout au long du confinement, malgré le risque de fermeture administrative qui pèse sur son établissement.
Il est au micro d'Alexandra Silbert :
Il faut néanmoins rappeler que si les restaurateurs ne peuvent plus recevoir le public durant le confinement, ils ont néanmoins la possibilité de mettre en place des services de livraison et de vente à emporter.
D'autres petits commerçants en commune ont fait entendre leur voix pour dénoncer la mise en oeuvre du confinement. Différentes sources font état d'un mouvement de contestation qui pourrait prendre de l'ampleur au lendemain du week-end prolongé.
Les élus montent au créneau
Depuis, plusieurs élus se sont exprimés sur le sujet. Didier Laguerre et Serge Letchimy ont écrit au préfet de la Martinique et au premier ministre pour réclamer des mesures plus égalitaires entre les petits commerçants et les grandes surfaces. Il faut toutefois noter que les petits commerces vendant des produits de première nécessité sont autorisés à ouvrir.
Les élus du PPM demandent d'ailleurs au gouvernement un redéfinition de la liste des commerces essentiels. Le Premier ministre s'exprimera sur ce sujet en télévision, ce dimanche après-midi à 15 heures, heure de Martinique.
Francis Carole, conseiller exécutif en charge des affaires sanitaires de la CTM et conseiller municipal d'opposition à Fort-de-France, s'est lui aussi exprimé sur la situation.
"Certes, il serait totalement irresponsable de nier ou de sous-estimer les risques auxquels nous expose l’épidémie de Covid-19. De même, nous partageons l’idée d’agir vite pour casser la propagation du virus, sans attendre que la situation ne soit hors de contrôle. Ne pas agir en amont conduirait à une saturation des lits d’hôpital, à l’épuisement des soignant.e.s et à des morts supplémentaires.
La démarche doit consister, non pas à administrer un remède de cheval qui n’est pas toujours opérant et dont les effets systémiques sont souvent désastreux, mais à identifier précisément comment circule l’épidémie en Martinique et à définir des solutions ciblées adaptées à notre situation", écrit-il sur sa page Facebook.
Le leader du Palima appelle "à un dialogue clair entre l’Etat et les collectivités locales".
De son côté, Christian Rapha, le maire de Saint-Pierre s'est fendu d'un long courrier (à lire au bas de cet article). Le premier magistrat pierrotin se prononce en faveur d'un autre modèle que le confinement pur et simple.
"Sur le modèle qui a permis à la Guyane de juguler l’épidémie, l’instauration d’un couvre-feu à partir de 19h jusqu’à 5 heures. Et le week-end, du samedi 15h au lundi matin.
La déclaration préalable obligatoire des rassemblements publics au-delà de 10 personnes et
leur interdiction lorsque les conditions de sécurité sanitaires ne seraient pas garanties ; mais l’autorisation d’ouverture des commerces, des lieux de culture avec une application stricte des mesures de distanciation sociale.Dans les cinémas et salles de spectacle par exemple : un siège sur deux, le port du masque avec le contrôle systématique par des personnels de sécurité.
Dans les entreprises avec l’appui des chambres consulaires : la mise en place de dispositifs et de protocoles scrupuleusement respectés et contrôlés.
Le contrôle et son corollaire, la sanction est en effet l’autre pilier du système. Le respect des règles édictées (couvre-feu, port du masque) doit être contrôlé et donner lieu à verbalisation par les forces de police et de gendarmerie", écrit Christian Rapha.
Une épidémie en accélération
Si les élus déplorent le manque de concertation avec l'Etat, le préfet a néanmoins justifié sa décision de choisir le confinement pour la Martinique lors de son intervention de jeudi après-midi.
Les chiffres montrent que la circulation de l'épidémie est en phase d'accélération sur notre île. "La semaine dernière (semaine 2020-43), le taux de positivité et le taux d’incidence étaient en augmentation respectivement de 14 % et de 39 % par rapport à la semaine précédente (semaine 2020-42). L’augmentation du taux d’incidence concernait toutes les tranches d’âge. Les 15-
44 ans restaient les plus touchés et, en particulier, les 20-39 ans. Le R-effectif basé sur les données virologiques était significativement supérieur à 1 en semaine 43 (1,11) signifiant que la transmission du virus progresse toujours", indique par exemple Santé publique France dans son bulletin hebdomadaire.
Par ailleurs 67 personnes atteintes par le covid-19 sont hospitalisées en Martinique dont 13 en réanimation selon les chiffres de Santé Publique France. À noter que désormais les patients admis en service de réanimation sont désormais des Martiniquais, contrairement aux semaines précédentes au cours desquelles le CHUM avait accueilli des patients de Guadeloupe.
Depuis l’émergence du SARS-CoV2 en Martinique, 31 personnes sont décédées du Covid-19 dans un service du CHU de Marti-nique (quelque soit leur département de domiciliation). Les décès sont survenus majoritairement chez des patients âgés de plus de 70 ans (65 %). Six décès (19 %) ont été enregistrés chez les personnes de moins de 50 ans.
Si d'aucuns se sont demandés pourquoi la Martinique était confinée et pas la Guadeloupe ou la Guyane, il faut rappeler qu'un pic épidémique a été atteint mi-septembre en Guadeloupe et que depuis les indicateurs sont à la baisse. On comptait ainsi 271 cas positifs en semaine 43 contre 393 en semaine 42.
La Guyane a quant à elle connu un pic épidémique entre mai et juillet tandis que l'ensemble du territoire était sorti du confinement.
Certes ces territoires ont échappé au confinement mais des mesures restrictives et pénalisantes, notamment des couvre-feu ou encore la fermeture des restaurants, des bars et autres cinémas y ont été appliquées. Si la mise en place du confinement en Martinique semble reposer sur un effet d'opportunité et de timing, il n'en demeure pas moins que ce dispositif a prouvé son efficacité à court terme d'un point de vue sanitaire. En revanche, ses conséquences désastreuses sur le tissus social et économique sont également indiscutables.
Seul espoir, le bilan d'ici 15 jours de la première phase du reconfinement, comme annoncé par Emmanuel Macron. Il pourrait donner lieu à des ajustements et pourquoi pas, des assouplissements.
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