GHB : la drogue du violeur gagne du terrain en Martinique

Par 13/07/2022 - 16:53

Après plusieurs cas d’intoxication au GHB dans des événements festifs fin mai/début juin, nous avons lancé un appel à témoignages sur les réseaux. Les réponses ont été multiples.

    GHB : la drogue du violeur gagne du terrain en Martinique
Photo d'illustration

En février 2022, déjà, nous avions partagé le témoignage de Mélissa, une jeune femme très active sur les réseaux sociaux et dont l'expérience d'intoxication au GHB a contribué à libérer la parole sur le phénomène.

Mais quelques mois plus tard, à l'entame des grandes vacances, il s’avère que les victimes sont toujours aussi nombreuses. Les cas semblent en particulier concerner plusieurs établissements branchés de Fort-de-France.

Un mode opératoire qui laisse peu de traces

Toutes les victimes ne portent pas plainte, parfois par honte, mais aussi car avec la consommation d’alcool et l’amnésie, les victimes mettent souvent du temps à réaliser ce qu'elles ont vécu. Par ailleurs, le GHB disparaît du sang très rapidement, seul un test urinaire ou capillaire peut donc déterminer sa présence dans le corps. Dès lors, difficile pour les victimes de prouver l’intoxication.

Nous avons contacté le propriétaire d’un établissement où une agression au GHB a eu lieu récemment, mais il n'a pas souhaité s’exprimer par peur de la mauvaise presse. Il a toutefois été entendu par la police et a partagé les observations de ses employés sur un individu au comportement suspect.

Il a depuis aussi pris des dispositions en engageant un videur supplémentaire, et en commandant des couvercles pour ses verres.

Mais pour Marianne, la victime concernée, il faut plus de mesures. Elle s’était retrouvée dans un état second lors d'une soirée de cet établissement privé foyalais : vomissements, vertiges, pâleur ... 

C’est en se réveillant aux urgences sans souvenir des 3 dernières heures écoulées, qu’elle se rend alors compte qu’elle a été droguée. Elle porte plainte quelques semaines plus tard, mais les tests sanguins ne détectent rien. Elle est dans l’attente de tests capillaires pour trouver des traces de GHB.

Quand on dénonce, ce n'est pas contre les bars, mais ça a lieu chez eux, donc ils doivent mettre en place des mesures adaptées. Je ne sais pas si on peut régler l'affaire avec des couvercles, mais au moins, que les vigiles soient sensibilisés. C'est important de se dire que ça n'arrive pas qu'aux autres, même s'il ne faut pas être parano non plus. Ce qui est vraiment malheureux, c'est que c'est encore à nous, les femmes, de faire attention, alors que le vrai sujet, c'est l'éducation des hommes. Donc il faut continuer à dénoncer ces agissements pour les enrayer.

Des témoignages qui s'accumulent

Audrey (pseudo), elle, a souhaité témoigné anonymement. Il y a un mois et demi, elle se rend dans une soirée privée avec un voisin et quelques amis. Sur place, elle ne connaît personne et se réveillera 4 à 5 heures plus tard, sous une glissière de sécurité.

Quelqu'un m'a vu, inconsciente, et a appelé les secours. J'ai été réveillée par les sapeurs-pompiers sans savoir où j'étais, ni ce qui s'était passé les heures d'avant. 

Aux urgences, des traces de GHB sont décelées dans son sang, puis des tests gynécologiques lui sont faits. Audrey est alors dirigée vers une cellule médico-judiciaire pour ouvrir une enquête, mais elle refuse de porter plainte.

J'ai déjà été victime de plusieurs agressions par le passé, et j'ai bien essayé de porter plainte à l'époque, mais les policiers insistaient sur mon comportement lors des soirées, me blâmant à demi-mots pour ce qui m'était arrivé. Je n'avais de toute façon pas envie de revivre ces expériences en les racontant. Aujourd'hui, je suis arrivé au stade où je sais que ce n'est pas de ma faute. Pour le reste, je l'enferme dans une toute petite boîte enfouie tout au fond de ma mémoire.

Suite à une intoxication au GHB, la pire des craintes est l'abus sexuel. Sans souvenirs et sans un entourage vigilant, les victimes comme Audrey se retrouvent souvent seules avec leur amnésie, et découragées à l'idée de porter plainte.


Mélanie (pseudo) n'a, elle, pas souffert d'amnésie. Il y a quelques semaines, en soirée dans un bar connu de Fort-de-France, elle repère un caillou dans son verre. Ce n’est pas la première fois qu'elle est la cible d'une intoxication au GHB. Elle s'emploie donc à garder le contrôle de ses moyens. Ramenée chez elle par ses amis, elle a néanmoins eu à subir vomissements et vertiges.

Elle non plus n’a pas porté plainte.

Enfin, l'exemple d'un homme, appelons-le William. Il exerce comme DJ depuis une vingtaine d’années et pense avoir récemment été drogué alors même qu’il travaillait. Il n’a pas porté plainte, ni fait d’analyse, car il n’avait pas envie de se lancer dans des démarches judiciaires et médicales.
 

Tous les faits relatés ici ont eu lieu dans des lieux différents.

Pour rappel

En France, le GHB est utilisé comme anesthésiant général et comme hypnotique dans le traitement de l’insomnie. Son usage détourné comme stupéfiant sous forme liquide ou sous forme de poudre fait son apparition dans le milieu de la nuit à des fins de soumission chimique.

Depuis 2018, l’usage de la drogue du violeur, dans le but d’altérer la conscience d’une personne et de l’abuser sexuellement, constitue une circonstance aggravante en cas de viol ou d’agression sexuelle. Et même s'il n'y a aucune agression, il constitue un délit.

L’usage du GHB est puni de 5 ans de prison et de 75 000 euros d'amende. Des sanctions qui valent pour toutes les substances administrées à une victime à son insu.


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