La rhétorique auto-destructrice d'Alfred Marie-Jeanne
Le coup de semonce donné ce week-end par Alfred Marie-Jeanne pourrait sonner le glas de l'alliance du Gran Sanblé. Dans un style dont il a le secret, le président de la CTM a voulu remettre de l'ordre dans ses troupes mais cette fois-ci il pourrait bien avoir généré un désordre irréversible et politiquement mortel. Analyse.
Bien malin qui pourrait évaluer aujourd’hui le stade de décomposition politique dans lequel se trouve non seulement le MIM mais la coalition du Gran Sanblé elle-même. Chacun a pu entendre, avec sidération, les dernières interventions dominicales du Président de la Collectivité Territoriale sur sa radio RLDM.
Ces déclarations constituent à elle seules le symptôme d’une agonie individuelle et collective déjà très avancée. Elles attestent –- pour ceux qui en douteraient encore –- que dans ces deux formations politiques les dés de sèbi ne roulent plus et que le flambeau qui devait éclairer la scène, organiser l’action et indiquer le chemin, s’est transformé en une sorte de betafè pour le moins infernale. Rappelons-nous ce proverbe créole qui dit que Bétafè ka kléré ki pou nanm yo sel. Appliqué au phénomène Marie-Jeanne, on pourrait dire que le flambeau indépendantiste du MIM n’éclaire plus que lui-même dans une célébration solitaire de lui-même pour lui-même.
Une rhétorique bien rodée
La rhétorique créole du leader du MIM est redoutable. Et nos jeunes avocats devraient l’étudier pour conforter leur apprentissage des forces de la parole. Cette rhétorique lui a permis de se sortir de bien des situations délicates et d’échapper à des défaites plus ou moins annoncées. Elle lui a permis pour tout dire une survie politique improbable sans même avoir vraiment besoin d’articuler une idée ou de défendre un programme.
Alors comment procède t-il ? La première étape, c’est qu’il va déclarer n’avoir de problème avec personne, de rancune contre personne. Quand Marie-Jeanne annonce sur un ton doucereux n’avoir aucun problème avec vous, c’est que votre tête est déjà bien installée sous un tranchant de guillotine. C’est ce qu’ont pu constater récemment, non seulement le fils maudit Jean-Philippe Nilor, ou encore Bruno Nestor Azérot, mais aussi et surtout Claude Lise en personne. Un Claude Lise qu’aucun observateur n’a jusqu’à maintenant entendu élever une quelconque protestation.
Deuxième étape : comme le commandeur suprême n’a pas de problème avec vous, il explique toujours qu’il vous a déjà rencontré, à votre demande ou à la sienne, qu’il vous a donné ci, qu’il vous a donné ça... car lui se situe très au-dessus du marigot des haines, des mesquineries et des revanches. Jean Philippe Nilor, il l’a fabriqué de toutes pièces et lui a donné à manger dans sa main. Azérot, il l’a reçu pour lui donner « personnellement » deux millions d’aide à sa commune. Claude Lise lui, est interpellé sans ménagement pour qu’il se rappelle comment il a été traité au PPM, et jeté à la porte par ceux qui le détestaient, et comment dans cette solitude qu’on peut imaginer, il a pu trouver soutien auprès du patron du MIM lequel n’a jamais eu de problème avec lui.
>>> A voir et à écouter : la réaction de Jean-Philippe Nilor <<<
Troisième étape : après ce rappel de la bienveillance et des cadeaux très « personnalisés », la sentence tombe sans aucune argumentation ou développement logique. On complote dans son dos ! On trahit ! On prépare des coup bas ! On s’organise pour le faire condamner ou pour tout simplement le tuer ! Là, le ton jusqu’alors plus ou moins mesuré, s’enflamme, l’indignation est à son comble, les mots se mettent à siffler jusqu’aux limites du cri paranoïde et des accents de la névrose.
Ultime phase de cette rhétorique : la mise en accusation du PPM et de son président Serge Letchimy. Comme ce dernier n’aurait pas digéré sa défaite, il serait partout en train de comploter. Il serait à l’origine de tous les mauvais coups. Le voici derrière l’alliance Nilor et Nestor Azerot. Le voici derrière Claude Lise qui serait invité à revenir au bercail. Le voici derrière chaque grève, chaque cadenas, chaque réclamation, chaque dysfonctionnement et dernièrement encore : le voici derrière le naufrage organisé du TCSP ou les soubresauts bien lamentables du PNM.
Brilé an kay pou tjwé an rat
Lui qui n’a de problème avec personne, qui aide tout un chacun et qui travaille en paix avec le monde entier, se retrouve constamment agressé. Dès lors, comme c’est lui l’agressé, le voici obligé de condamner tous ces gens avec la plus grande fermeté. Ni discussion, ni ouverture, ni dialogue, ni rencontre, ni pardon, rien. Seule un raché-coupé réglera le problème.
Cette posture de l’agressé permanent a un bel avantage : elle permet au leader du MIM de ne pas parler de son action politique, de ne pas articuler la moindre idée pour l’indépendance ou pour le développement du pays, et encore moins d’évoquer son action à la CTM . "On veut m’abattre, on veut me tuer" suffisent à enflammer les militants et à constituer son discours politique. L’émotion règne, la colère est sacrée, l’arbitraire frappe. L’intransigeance peut alors se faire aveugle et brûler toutes les maisons pour tuer sans autre forme de procès tous les rats démasqués de la sorte. Brilé kay la pou tjwé rat la.
Le seul problème c’est qu’à force de brûler les maisons pour déloger des rats, on se retrouve non seulement seul mais surtout sans abri quand le cyclone se lèvera.
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