Crise sociale : plusieurs élus de Martinique condamnent les « attaques et menaces »

Par 28/11/2024 - 15:30 • Mis à jour le 29/11/2024 - 05:59

Plusieurs élus de Martinique disent stop. Ils dénoncent une récente vidéo de Rodrigue Petitot, le président du RPPRAC, vécue comme une menace ou une intimidation. Un sentiment déjà ressenti depuis le début de la crise sociale dans l’île.

    Crise sociale : plusieurs élus de Martinique condamnent les « attaques et menaces »
Assemblée Plénière de la CTM. Photo d'illustration

Yan Monplaisir a été le premier à réagir, appelant à un sursaut. Dans une vidéo, le maire de Saint-Joseph répond directement à Rodrigue Petitot, le président du Rassemblement pour la Protection des Peuples et des Ressources Afro-Caribéennes.

Dans une première vidéo où il se filmait cette semaine, ce dernier exige le départ du préfet et donnait injonction aux maires de fermer leur mairie. Il laissait clairement entendre que ceux qui ne le feraient pas seraient considérés contre le mouvement et seraient « attaqués ».

Depuis, Rodrigue Petitot, répondant par caméra interposée, a précisé ses propos et expliqué dans une nouvelle vidéo qu’il ne s’agit « bien évidemment pas d’une attaque physique ».

Ses propos continuent, en tout cas, à beaucoup faire réagir. Ce matin encore, Serge Letchimy, le président du conseil exécutif de la Collectivité Territoriale de la Martinique a pris la parole en début de Plénière. Il s’en explique pour RCI.

Soit, on va vers le chaos ou soit, on sort par le haut. Il faut choisir. Moi, j'ai choisi de tout faire pour sortir par le haut et ne pas tomber dans le chaos. Et à ce titre-là, nous ne pouvons pas laisser tomber dans la violence. C'est pour ça que j'ai condamné très fermement les menaces vis-à-vis des élus. Autrement, on va vers une guerre civile. C'est quoi ça, ce truc-là ? Ce n'est pas acceptable. On discute avec des élus, on n'est pas d'accord, mais on se respecte. Maintenant, si on veut faire une révolution, on déclare la révolution et on fait la révolution. Mais on ne peut pas se permettre de menacer physiquement des élus. Ce n'est pas possible.

À l'issue de la Plénière de ce jeudi, les conseillers de l’Assemblée de Martinique ont adopté une motion par laquelle ils condamnent fermement les menaces et les appels à la violence proférés à l’encontre des élus de Martinique, en particulier des maires. Ils ont « exprimé leur solidarité totale et inconditionnelle avec ces derniers »

Ces actes, diffusés notamment via les réseaux sociaux et des messages privés, menacent les fondements démocratiques de la société martiniquaise et exacerbent les tensions à un moment de notre Histoire où l’unité est essentielle.

Un Congrès en Janvier

Le président du conseil exécutif annonce également la tenue d’un Congrès des élus en janvier prochain.

Tous les élus de la Martinique, parce qu'ils sont élus, parce que le peuple les a choisis, se réunissent. J'ai commencé d'ailleurs, déjà, puisqu'on a fait une réunion avec les syndicats, les hommes politiques. On a eu 70 heures de discussion avec l'association RPPRAC, avec l'ensemble des acteurs économiques. Donc, on a véritablement pris nos responsabilités. On n'a pas fui nos responsabilités. Nous avons reporté en janvier pour permettre à tout un chacun de s'exprimer. Je donne le temps de la réflexion pour qu'on vienne au Congrès. On verra qui vient et qui va s'exprimer, qui va parler. Le Congrès est très formaté, très encadré par un cadre législatif et réglementaire.

Pour Justin Pamphile également, les attaques se sont multipliées cette semaine avec la diffusion exigeant la fermeture des mairies jusqu’au départ du préfet, sous peine de représailles. Une position que le maire du Lorrain et président de l’association des maires juge intolérable. Il indique que « la mairie du peuple restera ouverte ».

Nous appelons les uns et les autres à la modération parce que je rappelle que la loi aujourd'hui nous donne la possibilité, quand nous sommes agressés, de faire en sorte que nous puissions nous défendre. Et quand je dis nous défendre, ce n'est pas dans le combat verbal de l'insulte et de l'injure. La loi nous donne aujourd'hui cette possibilité de nous défendre, de nous protéger parce que la fonction que nous exerçons n'est pas une fonction qui doit servir de punching-ball à des personnes qui, peut-être, ne trouvent pas des réponses là où elles devraient les trouver.

« Pas d'injonction, pas d'agression »

Il assure que les maires ne répondront pas à l’injonction de fermer leur mairie.

Justin Pamphile

Quand on ferme la mairie, on met en difficulté des familles, le service public. On met en difficulté des personnes qui ont besoin de venir pour un décès, pour des situations sociales critiques. Je ne comprends pas très bien le sens d’une fermeture d’une mairie, simplement pour demander le départ d'un préfet. Restons sérieux quand même. Je pense qu'il y a d'autres moyens éventuellement pour ceux et celles qui, dans leurs revendications, veulent se faire entendre. Mais aujourd'hui, pas d'injonction, pas d'agression nous demandant limite d'obéir. Et si nous n'obéissons pas, on va être attaqué. Je suppose que dans l'idée de ceux qui prononcent ce mot, on ne parle pas d'attaque physique, mais il y a des gens qui comprennent des choses peut-être à l'envers de ce qu'ils devraient. Et pour ceux qui ont des projets vis-à-vis des difficultés que rencontre la société martiniquaise, la démocratie est bien organisée. Si chacun veut porter ses idées, la loi leur permet de le faire dans le cadre de nos institutions et bien évidemment, des élections qui vont arriver.

Dans un communiqué commun hier, la sénatrice Catherine Conconne et le sénateur Frédéric Buval avaient déjà, également, condamné les propos de Rodrigue Petitot.

Nous vivons depuis un peu plus de deux mois dans un climat de remise en question brutale des principes qui fondent pourtant notre capacité à vivre ensemble : le respect de tous les citoyens, la reconnaissance des représentants démocratiquement élus, le droit au débat et à la contradiction, la liberté d’expression… Ces attaques inacceptables contre ces principes et celles et ceux qui les représentent, sont profondément inquiétantes pour notre démocratie locale et notre société martiniquaise (…) À l’heure où certains se prennent à évoquer une plus grande autonomie de notre territoire, comment l'envisager de manière crédible si les principes les plus élémentaires des démocraties modernes n’y sont pas protégés ?

Pour eux, « aucune solution pérenne ne saurait être trouvée dans l’invective et la menace. ».

C’est également ce que pense Franck Sainte-Rose Rosemond, élu d'opposition à la mairie de Schoelcher.

Franck Sainte-Rose Rosemond

Non aux injonctions à répétition. On ne fait des injonctions que si on cherche le conflit et le blocage. Et puis fermer une mairie et menacer les élus c’est pourquoi faire ? Pour faire baisser les prix ? Pour faire partir un préfet qui de toutes façons va partir ? Qu’est-ce que le gouvernement en a à faire qu’on ferme nos mairies. Comme si on n’avait pas assez de violence venue du système qui nous tient, il faut encore et encore rajouter de la violence contre nous)mêmes ? Une mairie c’est le seul échelon administratif où les pauvres gens peuvent encore venir se faire aider, ou chacun.e d’entre nous a besoin d’aller tous les jours pour refaire des papiers indispensables pour obtenir une formation, pour autoriser la réparation de sa maison, pour permettre à son association d’avancer et de faire son job (…).


ET AUSSI

Serge Letchimy dénonce les propos du préfet  

Cette semaine, Serge Letchimy a également dénoncé les propos du préfet de la Martinique, Jean-Christophe Bouvier, sur une chaîne concurrente le 20 novembre dernier et lui a adressé un courrier officiel.

Il estime que le représentant de l’Etat a mis en doute « l’existence de projets structurants portés par les élus martiniquais, en indiquant que les Martiniquais n’ont jamais travaillé ensemble à bâtir un projet d’avenir ». En « profond désaccord face à ces déclarations », il qualifie ces déclarations « d’inacceptables, réductrices et infantilisantes ».


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