Au Venezuela, des élections sur fond de crise majeure

Par 20/05/2018 - 11:27 • Mis à jour le 18/06/2019 - 13:36

    Au Venezuela, des élections sur fond de crise majeure

Epuisés par une profonde crise économique, les Vénézuéliens votaient dimanche pour la présidentielle où Nicolas Maduro vise la réélection lors d'un scrutin sans rival de poids, boycotté par l'opposition et dénoncé par une grande partie de la communauté internationale.

Portant une chemise rouge -la couleur de son mouvement- le président Maduro est venu voter dans un bureau installé dans un établissement scolaire de Caracas, en compagnie de son épouse Cilia Flores, a constaté l'AFP.

"Avec ce processus électoral, le Venezuela s'achemine vers une étape de stabilité politique", a-t-il déclaré en appelant ses compatriotes à participer au scrutin. "Ta voix décide: les votes ou les balles, la patrie ou la colonie, la paix ou la violence, l'indépendance ou la soumission", a-t-il lancé.

"Nous ferons respecter la volonté du peuple vénézuélien ici dans le monde", a promis M. Maduro.

Les 14.638 bureaux de vote ont ouvert comme prévu à 06H00 (10H00 GMT) pour accueillir 20,5 millions d'inscrits appelés à participer à cette élection anticipée à un seul tour. Ils doivent fermer douze heures plus tard, sauf prolongation pour permettre d'épuiser d'éventuelles files d'attente. Quelque 300.000 militaires et policiers sont déployés.

Le mandat du président est de six ans, le prochain doit commencer en janvier 2019.

Maduro est le grand favori, bien que 75% des Vénézuéliens désapprouvent sa gestion, lassés par les pénuries de nourriture, de médicaments, d'eau, d’électricité et de transports, conjuguées à la hausse de l'insécurité et du coût de la vie. Le tout avec un salaire minimum qui ne permet d'acheter qu'un demi-kilo de viande.

Des centaines de milliers de personnes ont préféré quitter le pays. 

Pouvoirs électoral et militaire en main, opposition divisée: la route semble dégagée pour le dirigeant socialiste qui se dit héritier du chavisme, la doctrine politique créée par Hugo Chavez, prédécesseur de Nicolas Maduro de 1999 à 2013.

Egalité 

Face à Nicolas Maduro, le chaviste dissident Henri Falcon (56 ans) s'est présenté malgré le boycott de la coalition d'opposition, la Plateforme de l'unité démocratique (MUD).

"Il n'y a aucun avantage qui tienne quand un peuple est déterminé à changer", a tweeté l'opposant.

M. Falcon et l'autre candidat de l'opposition, le pasteur évangélique Javier Bertucci, 48 ans, se disputent le vote sanction d'une population abattue, renforçant les chances de victoire de Maduro, ancien chauffeur de bus de 55 ans, corpulent et à la moustache noire fournie.

La plupart des instituts de sondages donnent Maduro et Falcon à égalité, mais une forte abstention devrait être favorable au président sortant.

L'opposition accuse le chef de l'Etat de "clientélisme" et de contrôle social en promettant des primes au vote aux détenteurs du "carnet de la patrie", carte qui permet de bénéficier des programmes sociaux. Samedi, la présidente du Conseil national électoral (CNE), Tibisay Lucena, a toutefois exclu la possibilité que des électeurs aient pu être achetés.

Radicalisation

"Maduro dehors", c'est le mot d'ordre de la centaine de manifestations prévues dimanche à travers le monde dans les villes où résident des Vénézuéliens, à annoncé la MUD.

Outre l'opposition, les Etats-Unis, l'Union européenne et le groupe de Lima, une alliance de 14 pays d'Amérique et des Caraïbes, rejettent ce scrutin.

Tous accusent également Maduro de saper la démocratie. Quatre mois de manifestations quasi quotidiennes de l'opposition qui ont fait 125 morts à la mi-2017, ont été écartés d'un revers de main avec la mise en place d'une assemblée constituante, toute puissante arme politique au service du camp au pouvoir.

"Les soi-disant élections qui ont lieu aujourd'hui au Venezuela ne sont pas légitimes", a tweeté Heather Nauert, porte-parole du département d'Etat. "Les Etats-Unis sont aux côtés des pays démocratiques à travers le monde qui soutiennent les Vénézuéliens et leur droit à élire leurs représentants lors d'élections libres et équitables", a-t-elle ajouté.

Le pape François a quant à lui appelé les Vénézuéliens "à la sagesse pour emprunter le chemin de la paix et de l'unité". "Je prie aussi pour les détenus qui sont morts", a-t-il ajouté.

"Ca me glisse dessus qu'on me traite de "dictateur"(...). Nous ne céderons pas au chantage. Peu importe qu'ils ne reconnaissent pas (les élections): le président du Venezuela est élu par le peuple, pas par Donald Trump", lance Nicolas Maduro au son du reggaeton qui accompagne ses meetings, où il esquisse souvent quelques pas avec sa femme Cilia Flores.

Touché par l'effondrement des cours du brut depuis 2014, le Venezuela, qui tire 96% de ses revenus du pétrole, souffre d'un manque de devises qui l'a plongé dans une crise aiguë. En cinq ans le PIB a fondu de 45% selon le FMI, qui anticipe une contraction de 15% en 2018 et une inflation de 13.800%.