À la cour d’appel de Martinique, la remise en cause de la place du parquet suscite la colère des avocats

Par 01/07/2025 - 14:40 • Mis à jour le 02/07/2025 - 16:13

C’est une tradition martiniquaise obtenue de haute lutte par le Barreau de Fort-de-France. Compte tenu de l’histoire de l’île et pour garantir un principe d’égalité, la place du parquet et des avocats est physiquement au même niveau dans les salles d’audience. Mais des travaux sont annoncés, pour remettre en cause cette spécificité, dans la salle pénale de la cour d’appel. Ce qui n’est pas au goût des avocats.

    À la cour d’appel de Martinique, la remise en cause de la place du parquet suscite la colère des avocats

Les robes noires sont en colère et vont le faire savoir. Le Barreau des avocats de Martinique s’est réuni en assemblée générale extraordinaire pour évoquer ce qu’il estime être une atteinte gravissime à ses droits.

Des travaux seront effectués d’ici quelques semaines à la cour d’appel afin de surélever l’emplacement du ministère public.

Christiane Taubira, quand elle était Garde des Sceaux avait garanti, que cela ne se produirait pas dans cette institution, qui bénéficie d’une particularité historique : le parquet et les autres parties, dont les avocats, sont au même niveau.

La profession compte donc se mobiliser et s'est réunie ce lundi en assemblée générale, afin que ce changement majeur ne soit pas mis en place.

Hier, ils étaient déjà nombreux à avoir pris part à cette AG extraordinaire et à exprimer leur indignation.

« Mis devant le fait accompli »

La Bâtonnière Murielle Renar-Legrand a été informée de ces travaux par un simple SMS, comme elle le confie à RCI.

La forme m'a surprise. On m’a mise devant le fait accompli, on a mis le Barreau devant le fait accompli sans aucune concertation parce que la décision était déjà prise et qu'on met à mal un usage, une tradition qui existe depuis des temps immémoriaux. Je pense qu'effectivement, la période est rêvée parce qu'elle permet peut-être de faire les choses en catimini. Ce que je dis, c'est qu'au moment de la construction de la Cour d'Appel de Fort-de-France, il y a eu des arbitrages à ce niveau-là. La Garde des Sceaux, madame Christiane Taubira, a tranché par une lettre du 30 décembre 2024 en disant qu'elle acceptait tout à fait que le ministère public et le Barreau soient au même niveau dans la salle pénale de la Cour d'appel de Fort-de-France. Je ne comprends pas pourquoi, 11 ans plus tard, on nous met devant le fait accompli et on nous dit qu'on fera des travaux de réhaussement. Ça bafoue la tradition locale. Cela méprise le peuple martiniquais et cela méprise son histoire.

Maitre Yohan Dintimille, présidente de l’Union des jeunes avocats de Martinique, dénonce des humiliations répétitives à l’encontre des avocats

Nous sommes en colère à cause de certaines positions du parquet et également des chefs de juridiction. Depuis un certain nombre de temps, on voit que les avocats sont malheureusement confrontés à des remarques, des observations déplacées de la part du procureur. On apprend en plus que lorsqu'un confrère est déjà retenu aux Assises, malheureusement, on s'oppose à sa demande de renvoi lorsqu'il est amené à plaider d'autres dossiers devant les juridictions, notamment devant le tribunal correctionnel. Et ne voilà-t-il pas que la bâtonnière a été informée par SMS que des travaux seront effectués par la cour d'appel afin de surélever le siège du parquet au nom d'une certaine égalité des magistrats. Mais on oublie qu'il y a surtout ce principe de l'égalité des parties et on ne comprend pas pourquoi la place du parquet serait supérieure à celle des avocats.

La réponse des chefs de juridiction

La cour d'appel a répondu à à l’indignation des avocats ce mardi (1er juillet), dans un communiqué commun signé des chefs de Cour, Laurent Sabatier, 1er président et Patrice Cambérou, procureur général de la cour d'appel.

Les travaux annoncés relèvent, selon eux, d'une question purement de logistique. L’emplacement actuel ne permettrait plus d’entendre, ni de voir convenablement le ministère public, notamment avec le nouvel aménagement d’écrans d’ordinateurs destinés au travail dématérialisé pour consulter les procédures en cours d’audience. Il fallait agir vite pour préserver « l'égalité des débats », indiquent-ils de concert.

En revanche, Laurent Sabatier et Patrice Cambérou contestent avoir informé la Bâtonnière par SMS.

Le 25 juin 2025, nous avons convié madame la Bâtonnière Murielle Renar-Legrand à une réunion à la cour pour l’informer de travaux envisagés sur la table de justice du côté du ministère public. Si cette invitation a été faite par message SMS informel, comme à la plupart de nos rencontres au regard de nos relations cordiales, ce n'est absolument pas par ce bref message que celle-ci a appris le contenu du projet comme cela est indiqué de façon erronée dans l'article. 

La discussion avec le Barreau n'est en aucun cas fermée pour trouver une solution concrète qui convienne à tous, dans l'intérêt d'une bonne administration publique de la justice et donc également de celui des citoyens conformément aux principes établis de notre Constitution et de la Convention Européenne des Droits de l’Homme


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