"J'ai envie de le boxer" : au procès de Charley Cazal, les victimes continuent de libérer la parole
Si le dossier des enquêteurs est solide, les témoignages des victimes à la barre du tribunal donnent une dimension encore plus tragique aux faits reprochés à Charley Cazal.

Le chanteur connu sous le nom de MOB comparait pour une série de viols, tentatives de viols et agressions sexuelles. 22 au total dont 13 perpétrés sur des mineures.
L’accusé, lui, persiste à nier les faits. Hier face à la cour, l’homme de 33 ans, s’est obstinément muré dans le silence, prostré, refusant même de se lever.
Les victimes, elles, veulent désormais prendre la parole, une parole qui elles l’espèrent en aidera d’autre.
Menaces et chantage
C’est le cas de cette jeune femme âgée de 23 ans aujourd’hui. En 2017 lorsqu’elle rencontre Charley Cazal, elle est âgée d’à peine 16 ans.
J'ai été contactée sur les réseaux sociaux. J'étais un peu flattée de me dire que c'est un chanteur qui me contacte, donc peut être qu'il est intéressé par moi. Qu'est ce que j'ai en plus que les autres ? Pourquoi il me regarde moi ? Surtout que bon, à cet âge, on n'a pas forcément confiance en nous. Donc le fait de recevoir des compliments d'une personne connue, ça m'a flatté et du coup je me suis laissée prendre au jeu
Charley Cazal localise la jeune femme par l'intermédiaire d'un réseau social. Il se présente chez elle sans y être invité :
Il vient me voir un soir et en fait cette personne découvre mon adresse via ma géolocalisation Snapchat. Et là j'ai peur parce que je me dis en fait si je ne sors pas, ça va peut être faire une connerie. Mes parents vont sûrement sortir donc je vais le rencontrer, j'y vais, je m'assois et de suite il sort son sexe, Je pars en vitesse et je remonte chez moi et je lui dis de sortir de chez moi. Et c'est là qu'il me rappelle. Il me dit de sortir parce que si je sors pas, il va faire des sons, il va parler de moi, il va mettre mon prénom, il va me faire faire le buzz en disant que je suis une pute
Un évènement qu'elle va tenter d'oublier jusqu'à ce qu'elle soit contactée par les gendarmes :
J'ai peur parce que je me dis oui qu'il est célèbre donc si il en parle, ça aura plus d'impact que moi. Si je décide d'en parler et n'ayant subi aucun préjudice physique, c'est compliqué. Donc je décide d'oublier jusqu'à ce que je sois contactée par les gendarmes. Et lorsque j'arrive au poste de gendarmerie, que le gendarme en question m'explique qu'il y a plus d'une centaine de femmes qui sont convoquées parce qu'elles sont sûrement victimes, je me dis qu'il faut que je parle parce que peut être que ma déclaration va faire changer les choses
Traque et viol
Âgée de 25 ans aujourd'hui, cette autre victime était une jeune lycéenne en classe de première au moment des faits. Elle n’a pas répondu aux sollicitations de l’accusé sur les réseaux sociaux mais ce dernier a tout de même fini par la retrouver.
Les propos retranscris peuvent choquer le public non averti
Je pense qu'il a dû chercher mes réseaux parce que je l'ai recroisé dans la rue et il m'a appelé par rapport à mon surnom de Facebook. Et c'est de là qu'il me dit où est ce que j'arrive. Et comme j'étais en retard, je lui ai dit J'arrive au bourg, il prend une direction opposée, on s'embrouille et il me fait comprendre qu'il va récupérer quelque chose chez lui. Donc on arrive chez lui et il me dit descends. Je lui dis non, que je ne vais pas monter. Donc je commence à être un peu tétanisé et dans ma tête, je me dis l'histoire se répète. Quand j'arrive chez lui, il me demande de me déshabiller. Je lui dis non. Donc il me déshabille et il prend son téléphone et me filme tout en tenant mes cheveux et en m'agenouillant. Il tient ma mâchoire et il me dit "suce-moi cochonne !" Et quand je trouve la force d'arrêter, je me mets debout en pensant que tout est fini. Il prend mes mains, il met dans mon dos et me pousse sur le canapé et là, il me pénètre violemment
Et la cauchemar n'est pas fini :
J'étais comme un robot. J'étais comme hypnotisée. Une à deux semaines plus tard, il me dit "Tu sais, j'ai des vidéos de toi, t'es obligé de me suivre. Sinon je les post où je parle de toi dans une musique qui veut que je la suce." Il restait à m'envoyer des messages sur les réseaux. Quand je ne répondais pas par là et que je le bloquais, il refaisait des comptes tout le temps. Ça a duré plusieurs mois, un an. Un jour, je reçois un appel. Je savais pas c'était qui. "Je sais où est ce que tu habites. Je viens chez toi". Donc je lui dis non, ne viens pas chez moi, je vais pas faire de scandale, je ne veux pas avoir des problèmes avec mes parents. Donc je le rejoins près de chez moi. Je monte dans sa voiture, il retire son pénis et il me dit de le sucer. Donc là je lui dis non, je ne suis pas sa marionnette. Qu'il peut partager les vidéos, faire ce qu'il veut, je m'en fous et que mon père n'est pas très loin, je vais l'appeler. Et c'est de là que j'ouvre la portière. J'ai pas pensé à ouvrir la portière plus tôt parce que j'avais peur. J'ouvre la portière et lui parle et depuis ça, il m'a jamais recontacté. Au début, j'avais peur, mais je me suis dit je suis déjà sale et je suis morte à l'intérieur. Donc qu'il partage ou pas, je suis morte, ça va rien changer en fait
"J'ai envie de le boxer"
La plus jeune des victimes de Charley Cazal était âgée de 12 ans au moment des faits. Hier, devant la cour elle a fait le récit de cette fellation forcée que l'accusée lui a imposé mais aussi de la peur que lui inspire cet homme.
Jusqu’à la tenue du procès ses parents ne savaient rien de cette situation, elle souhaitait les préserver. À l'issue de l'audience d'hier, sa mère nous a accordé un témoignage :
Je n'ai pas compris pourquoi elle ne m'a rien dit. Je suis très ouverte avec elle. On se dit tout normalement, je ne vais pas la blâmer non plus. Je ne suis pas là pour ça. Mais je suis quand même très en colère contre ce jeune homme. J'ai envie de le boxer quand je le vois assis là. Il ne dit rien. Pour moi, il a a détruit le corps d'une jeune fille. Sa personnalité. Elle s'est renfermée. Elle ne disait rien. Elle restait dans sa chambre. Je lui disais qu'il y avait quelque chose. Elle me disait Non, il y a rien. Et c'est une jeune fille que je connais, un enfant qui parlait. Elle parlait beaucoup, elle posait beaucoup de questions. C'est très frustrant
Elle évoque le rapport de sa fille aux réseaux sociaux et aux dangers qu'ils représentent
On ne peut pas empêcher une jeune fille d'avoir Snapchat ou Instagram parce que maintenant, c'est ce qui te permet d'évoluer dans le monde. Par exemple, tu peux travailler ou pas. Je disais à mes enfants "Faites attention aux réseaux sociaux parce qu'il y a beaucoup de choses. On peut utiliser vos noms, vos visages". Mais c'est dans le procès que j'ai appris qu'on arrive à trouver la géolocalisation de la personne. Moi, ce que je peux dire aux parents d'aujourd'hui c'est de vraiment créer la confiance, c'est ce qui permet aux jeunes de se sentir entourés. Quand on crée la confiance, ils n'auront pas peur de dire quoi que ce soit
Dans ce dossier, seules 12 des 22 victimes sont présentes au procès. Les autres victimes ont jusqu’à vendredi pour venir témoigner ou se constituer partie civile. Pour cela, il leur suffit de se rendre au Palais de justice
√ Rejoignez notre Chaîne Whatsapp, RCI INFOS MARTINIQUE, pour ne rien rater de l’actualité : cliquez ici.