Armes à feu en Martinique : « La justice n’est pas les bras ballants » (Yann Le Bris)
Dans un entretien accordé à notre rédaction, le procureur de la République de Fort-de-France, Yann Le Bris, détaille les mécanismes qui ont conduit notre île à voir se multiplier les violences par armes à feu. Il l’assure, l’action des forces de l’ordre pour endiguer le fléau des armes est permanente et porte ses fruits.
Yann Le Bris, le procureur de la République à Fort-de-France, constate, aujourd’hui, une facilité d’acquérir des armes et un usage décomplexé de ces armes à feu, qui sont de plus en plus sophistiquées.
Mais, selon lui et contrairement à une idée très répandue, leur présence n'est pas forcément toujours liée au trafic de drogue.
Des équipes spécialisées
Face à ce fléau, il assure que les services de l’Etat sont pleinement mobilisés, sur le terrain, mais aussi au niveau des services d’enquêtes, qui se spécialisent.
Il y a un accès facilité aujourd'hui à la détention de ces armes. Les détenteurs les utilisent pour commettre des vols à main armée, des violences, sans avoir forcément une logique qui est celle d'un trafiquant de produits stupéfiants. Lorsqu'on regarde, statistiquement, les différents homicides au cours de l'année passée, 25 ont été commis avec des armes à feu. Et sur ces 25, il y en a peut-être quatre ou cinq qui sont clairement en lien avec des affaires avec des produits stupéfiants. L’ensemble des services de l'État - police, gendarmerie, douanes - s'attache )créer un bouclier pour éviter que les armes ne rentrent. Des contrôles internes sont faits pour lutter contre la circulation de ces armes. Et on a des équipes, maintenant, qui se spécialisent pour essayer de découvrir des réseaux de revente sur le territoire, notamment à travers des sites Internet un peu spécialisés, plus ou moins occultes.
« Les forces de l’ordre mobilisées »
Pour Yann Le Bris, l’action des forces de l’ordre pour endiguer le fléau des armes est permanente et porte ses fruits aujourd’hui, avec de nombreuses saisies et des réponses judiciaires fermes et systématiques pour les détenteurs d’armes à feu.
Aujourd'hui, les services de police et de gendarmerie sont totalement mobilisés pour lutter contre ces deux fléaux que sont les violences faites avec armes et la détention de ces armes. On pourra toujours dire que les effectifs sont insuffisants. Ce n'est pas mon propos. Moi, je fais ce constat. C'est qu'aujourd'hui, les forces de sécurité, de manière globale sur le territoire, sont mobilisées, ont des résultats et font des enquêtes dans des délais généralement raisonnables. Elles ne sont pas les bras ballants invoquant des problèmes d'effectifs pour ne pas faire. Il faut souligner l'action des services de l'État au sens large : des contrôles, des comparutions immédiates quasiment permanentes. Il n'y a pas une semaine où on n'a pas des comparutions immédiates avec des personnes qui ont commis des violences graves avec des armes à feu, avec des interventions de police et de gendarmerie, nuit et jour pour contrôler les véhicules et empêcher ce fléau de prospérer sur le territoire. C'est important aussi de rappeler tout ce qui est fait et pas uniquement de laisser diffuser dans la population le sentiment qu'on subit les choses. Ce n'est pas du tout le cas.
Des peines fermes
Pour Yann Le Bris, le procureur de la République de Fort-de-France, les services judiciaires sont loin d’être inactifs, avec des résultats marquants, ces dernières semaines :
L'action judiciaire porte à différents niveaux. D'abord, éviter l'introduction des armes sur le territoire martiniquais, avec une action de l'ensemble des forces de sécurité en mer, mais également sur le littoral avec le dispositif Scotopelia, qui contrôle les arrivées de bateaux des îles voisines avec des opérations de police, de gendarmerie et des douanes simultanées. Cela a déjà permis un certain nombre de saisies d'armes de munitions. Ensuite, il y a un deuxième volet. On a des contrôles renforcés sur le territoire pour insécuriser tous ceux qui, à un moment ou à un autre, transportent des armes avec des réquisitions judiciaires qui sont prises quasiment tous les week-ends et régulièrement également en semaine. On l'a vu, par exemple, lorsqu'on a fait, sur la base de ces réquisitions, des opérations multiples de contrôle, on a interpellé, au cours d'une même soirée, entre 20 heures et minuit, huit personnes qui étaient détentrices d'armes de poing. Elles ont toutes comparu devant le tribunal correctionnel et pour la plupart d'entre elles ont été incarcérées à Ducos, avec des peines de huit mois d'emprisonnement ferme et qui, pour certains, ont approché les deux ans d'emprisonnement ferme.
Des Etats-Unis et d’Amérique latine
Pour le procureur de la République de Fort-de-France, la provenance de ces armes est aujourd’hui bien connue.
La Martinique est à proximité immédiate des zones de fabrication, de production et de revente assez libres de toutes ces armes. Lorsqu'on fait un bilan des armes saisies, on voit bien que la majorité d'entre elles ont été fabriquées, revendues aux États-Unis ou en Amérique latine. Ensuite, elles viennent par l'arc Atlantique, d'île en île pour atterrir ou amerrir, pour être plus précis, dans notre département.
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