En plein jogging, elle croise un trigonocéphale sur la route de la Fontaine Didier

"J'ai crié quand je l'ai vu" avoue Marie-Line*. Hier en début de soirée, alors qu'elle court comme tous les jours sur la route de la Fontaine Didier, elle tombe nez-à-nez avec un serpent trigonocéphale.

"Il faisait déjà sombre et il était couché au milieu de la route", raconte Marie-Line. "J'aurais pu lui marcher dessus", observe-t-elle avec effroi.

Heureusement, sa présence effraie l'animal qui se love sur le bas côté de la route. "J'étais aussi effrayée que lui", dit la joggeuse.

La quadragénaire a tout juste le temps de prendre une photo du reptile avant de prendre ses jambes à son cou et d'alerter les autres sportifs qui fréquentent massivement cette portion de route.

Un habitué des lieux

Si Marie-Line a été surprise par sa rencontre, elle n'est pas étonnée d'avoir croisé un habitué des lieux. "C'est la première fois que j'en vois un mais on m'avait prévenu qu'il y en avait dans le secteur".

En effet, cette partie de la route de Didier se trouve en zone forestière au pied des Pitons. C'est l'un des habitats naturels de serpent fer-de-lance, l'autre nom du trigonocéphale.

Ce serpent venimeux fréquente essentiellement les forêts et les plantations où il chasse ses proies habituelles, oiseaux, petits rongeurs, chauves-souris et batraciens. Il est très bien installé dans le nord de l'île alors que son implantation est plus segmentée dans le sud où il est néanmoins présent.

Chasseur nocturne, son venin agit par effet de coagulation disséminée du sang dans les vaisseaux (venin hémotoxique), et provoque des thromboses artériolaires et des désordres myocardiques et encéphaliques graves.

En cas de morsure

Le Trigonocéphale peut être dangereux pour l'homme en cas de morsure (de l'avis de spécialistes en fabrication de sérum antivenimeux, il est considéré comme relativement agressif), si aucun soin approprié n'est apporté.

Fort heureusement peu d'accidents sont à déplorer en Martinique. De plus, un sérum mono-spécifique a été créé spécialement pour la Martinique par l'Institut Pasteur en France. En cas de morsure, il convient de rester le plus calme possible, faire allonger la victime, appeler le 112 (numéro des urgences).

Les secours décideront de l'évacuation la plus appropriée.

À noter que le trigonocéphale est sourd. En revanche il perçoit les vibrations des pas sur le sol. Il est recommandé aux randonneurs qui s'aventurent en forêt de prêter la plus grande attention aux endroits où ils posent les pieds, de s'équiper d'un bâton pour sonder le sol et de rester sur les sentiers balisés.

Espèce endémique

Serpent endémique de la Martinique, le trigonocéphale a fait l'objet de plusieurs tentatives d'éradication. Par exemple, les mangoustes ont été introduites sur l'île pour en venir à bout. Néanmoins, les mangoustes animaux diurne ont préféré s'en prendre aux oeufs d'oiseaux plutôt qu'au nocturne reptile.

Par ailleurs, durant de nombreuses années, les municipalités récompensaient financièrement les chasseurs de trigonocéphale, à hauteur de 15 euros par tête. Entre 1960 et 2002, 193 574 serpents capturés et tués en Martinique.

Si depuis 20 ans les chasseurs ont arrêté de pourchasser le reptile, le trigonocéphale s'est refait une santé. Il faut dire que les femelles peuvent pondre entre 50 et 80 petits serpents à chaque portée.

*le prénom a été modifié