Vie Chère aux Antilles : 3 questions à Patrick Plantard, président de l’Observatoire des Prix
Sollicité par RCI, Patrick Plantard, le président de l’Observatoire des prix, des marges et des revenus, revient sur les écarts de prix entre l’Hexagone et la Martinique.
Patrick Plantard est le président de l’Observatoire des prix, des marges et des revenus. Créé en 2007 par décret, cet organe regroupe des acteurs publics (élus, services de l’État, etc.) et privés (organisations syndicales d’employeurs et de salariés, associations de consommateurs…).
Il est interrogé dans le contexte de l’appel à la mobilisation contre la vie chère, ce dimanche 1er septembre.
Pourquoi, selon vous, les prix sont-ils plus élevés en Martinique que dans l’Hexagone ?
Le différentiel entre les prix hexagonaux et les prix pratiqués en Martinique a trois origines.
La première origine, c'est l'éloignement géographique. Donc, un produit qu'on achète dans l'Hexagone et qu'on envoie après chez nous, il faut payer les ports de départ et d'arrivée, le transport en bateau. Au prix hexagonal, va se rajouter ce prix du transport.
Ensuite, notre marché est relativement réduit, il est étroit et le distributeur qui va acheter des produits en Europe, va acheter pour 350 000 clients alors que son homologue, qui sera par exemple à Marseille ou à Lille, lui, va acheter pour des millions de consommateurs potentiels. Il aura des prix qui sont plus bas. Pour les produits qui sont produits localement en Martinique, on a exactement la même problématique où l'industriel qui va construire un hangar, faire venir des machines va les payer. Mais me même industriel qui va faire ça en Europe va les payer à peu près le même coût mais, en revanche, pour amortir son amortissement, l'industriel de l’Hexagone va pouvoir répartir ses coûts sur un nombre de clients beaucoup plus importants, plusieurs millions.
Et enfin, le dernier critère qui fait que les prix surenchérissent, c'est notre fiscalité locale complexe, les quatre octrois de mer. L'industriel de chez nous développe des compétences en matière d'octrois de mer. Et évidemment, les gens qui développent ces compétences sont rémunérés si on augmente le coût.
En moyenne, les écarts de prix entre l’hexagone et la Martinique sont de 14% mais, sur l’alimentaire, ce chiffre grimpe à 40%, il est de 35% pour la téléphonie et internet et de 25% pour les articles d’entretien et de ménage. Si on prend l’exemple d’un pack d’eau, qui fait 2 euros dans l’Hexagone et 10 euros ici, peut-on dire que les distributeurs font des marges ahurissantes ?
Le pack d’eau, il a un prix dans l’Hexagone, auquel il faut rajouter le prix du transport, les surcoûts dus à la fiscalité locale, déclarations en douanes et autres. Donc le prix est plus cher. Concernant les marges, la dernière étude de l’Autorité de la Concurrence qui date de 2019 montre que les marges de chaque maillon de la chaîne, entre l’usine de production d’eau au moment où vous avez le pack d’eau dans votre caddie, chaque intervenant économique marge de manière similaire ou comparable à ce qui est fait dans l’Hexagone, donc les marges des différents maillons de la chaîne sont les mêmes ici ou dans l’Hexagone. Mais la grosse différence, c’est qu’il y a plus de maillon ici que dans l’Hexagone.
Si on reste sur l’exemple du pack d’eau, le pack d’eau qui sortirait d’une usine d’eau de la ville de X dans l’Hexagone sera mis dans un camion et ira directement au supermarché. Le coût qu’il y a, c’est le carburant, le chauffeur, le péage. Chez nous, il y a le même coût mais il va falloir aller jusqu’au port d’embarquement (il faut payer la manutention, les dockers, les infrastructures, le mettre dans un conteneur…), payer la traversée et à l’arrivée, la même chose, décharger le conteneur, payer les infrastructures du port, les dockers… Tout ça, ça vient en plus du prix qu’un Hexagonal ne paye pas.
Peut-on résolument réduire ces écarts ?
On peut sûrement faire mieux en diminuant certains maillons de la chaîne, en limitant leur nombre. Mais à ce jour, je ne connais pas, à titre personnel, d'études qui montrent qu'il y ait des maillons qui soient inutiles ou qu'on pourrait supprimer, ou sur lesquels on pourrait travailler pour simplifier les opérations. Le statu quo n'est pas tenable. Je vous l'ai dit, les trois critères de cette vie chère sont l'éloignement, la petitesse de notre marché et la fiscalité complexe chez nous. Donc, il faut travailler sur ces trois éléments pour pouvoir réduire le surcoût payé par la population martiniquaise.
À ECOUTER L’entretien complet avec Patrick Plantard, accordé à Cédric Catan
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