Dégradations à la distillerie JM : prison ferme requise contre les prévenus

Par 25/03/2021 - 19:39 • Mis à jour le 26/03/2021 - 04:59

La deuxième journée du procès des quatre prévenus jugés dans l'affaire des dégradations à la distillerie JM et tentative d'extorsion de signature s'est tenue aujourd'hui (jeudi 25 mars). Ce soir, le procureur a requis plusieurs mois de prison ferme pour chacun des prévenus. Le jugement devrait être prononcé dans la nuit.

    Dégradations à la distillerie JM : prison ferme requise contre les prévenus

Après avoir entendu les quatre mis en cause hier, le tribunal a écouté ce matin la version des faits des témoins présentés par la défense aujourd'hui. Tous ont légitimé l'action menée les 12 et 13 février derniers dans la boutique du Macouba, et le contexte sociétal dans lequel ils auraient agi.

Les témoins de la défense ont tenu à évoquer le contexte sociétal des faits reprochés

Ne les condamnez pas, Messieurs les juges

Ce cri du coeur est  prononcé à la barre par une militante et mère de famille faisant partie des témoins cités par les avocats de la défense. Aude Goussard, en préambule de sa déclaration sur les faits, a voulu indiquer des événements historiques marquants de la Martinique. Un passé esclavagiste, et le sentiment d'injustice qui, selon elle, ont engendré les combats de ces derniers mois. 

Peu de temps auparavant, c'est Madly Etilé, la mère de Kéziah Nuissier, elle aussi militante, qui a tenu le même discours. Ces deux femmes présentes au Macouba ont répété à maintes reprises que la quinzaine de personnes qui s'étaient rendues à la distillerie JM étaient pacifistes. "Ils souhaitaient juste un engagement de la part de la direction", comme ils l'auraient obtenu lors de précédentes interventions à Depaz ou encore à l'aéroport. Elles considèrent qu'ils étaient dans leur bon droit de demander le retrait du drapeau des quatre serpents. Elles expliquent que des bouteilles de rhum ont été débouchées car les bouchons portaient les mentions litigieuses, que les militants n'avaient pas porté de coups sur place, et avaient à plusieurs reprises fait redescendre la pression en discutant avec le personnel. 

Un peu plus tôt ce matin, le tribunal a entendu un historien, qui pendant plus d'une heure et demie a évoqué l'esclavage, le bumidom, la domination économique des békés, les statues de Victor Schoelcher ou encore l'empoisonnement au chlordécone. Des éléments catalyseurs qui expliqueraient la démarche des militants aujourd'hui et leur sentiment d'injustice. Des propos qui, semble-t-il, ont retenu l'attention du président de la juridiction.

Regain de tensions et appel à se recentrer sur les faits

Alors qu'une suspension de séance avait été prononcée en début d'après-midi, les militants soutenant les prévenus ont commencé à occuper le boulevard en faisant une ronde au milieu de la chaussée. Les avocats de la défense sont sortis pour aller à leur rencontre. Si plusieurs pierres ont été lancées par les manifestants contre les grilles du palais de justice, la situation s'est ensuite calmée.

Puis à l'intérieur, les débats ont continué à s'éloigner des faits du 12 et 13 février 2021. Avec Fola Gadet à la barre, c'est la société martiniquaise qui était jugée. L'universitaire a eu des mots forts pour planter le décor :

Ceux qui parlent fort sont muselés. Nos parents nous ont éduqués à ne pas dénoncer des choses. On a un sentiment de crime impuni

Le témoin est revenu sur l'existence de deux mondes en Martinique : les békés dominants et les noirs. Le nom de Bernard Hayot a été répété plusieurs fois, et Fola Gadet affirme que l'homme d'affaire martiniquais devrait rendre des comptes. Il dit avoir espoir que Bernard Hayot change, car "la Martinique assiste à une lutte des pouvoirs actuellement, sur le petit territoire qu'est l'île". 

Après les visionnages de plusieurs vidéos des scènes du jour des dégradations à la distillerie JM au Macouba, les prévenus sont revenus à la barre. Le témoignage le plus marquant sera celui de Lubert Labonne. Le sexagénaire s'est indigné d'être en prison pour "cette histoire de bouteilles", en laissant éclater sa colère.

Puis les plaidoiries ont débuté et maître Renar-Legrand a demandé à ce que le tribunal se recentre uniquement sur les faits :

Il y a eu du hors sujet, Monsieur le Président. Vous n'avez pas à juger aujourd'hui l'affaire du chlordécone, ni même celle du drapeau aux quatre serpents

D'avis de tous, ce procès fera date dans l'action militante de Martinique.

Des réquisitions de prison ferme

Enfin, le bâtonnier réclame 5000 euros de dommages et intérêts pour l'un des salariés. Pour la distillerie JM, il demande en dommages et intérêts la totalité du préjudice subi par la distillerie se chiffrant à 121 943 €.

Et les réquisitions du procureur de la République sont claires : plusieurs mois de prison ferme à l'encontre des prévenus.

Concernant Hugues Baspin, quatre mois de prison ferme sont requis, avec une possibilité d'aménagement de peine. Pour Kévin Zobal, 12 mois dont 7 avec sursis probatoire pendant deux ans et l'interdiction de se rendre sur les lieux. Pour Bruno Pelage, le procureur demande 15 mois dont 9 avec sursis probatoire et maintien en détention. Pour Lubert Labonne, 16 mois dont 8 avec sursis probatoire et maintien en détention sont requis.

Les prévenus encourent jusqu'à 7 ans de détention pour l'ensemble des faits. Les plaidoiries sont encore en cours et une décision de jugement devrait être prononcée dans la nuit.

Les militants venus soutenir les prévenus ont occupé le boulevard devant le palais de justice :

 

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